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26 février 2018 1 26 /02 /février /2018 08:59

 

Nous, soignants, médecins, psychiatres et psychologues,
Nous, avocats spécialisés en droit des étrangers, et juristes associatifs,
avons pris connaissance du projet de loi relatif à l'immigration et l'asile, et l'avons analysé à l'aune de nos pratiques professionnelles et des rencontres qui en découlent.

L'exposé des motifs de ce projet de loi se fonde sur l'accroissement de la pression migratoire, notamment depuis la Méditerranée, et oublie de préciser que cette pression s'exerce avant tout sur les pays de première arrivée, la Grèce et l'Italie. Il omet également de mentionner que la répartition des demandeurs d'asile préconisée par les règles européennes a peiné à se concrétiser, et qu'en la matière, la France n'a pris qu'une très faible part à la réinstallation des exilés rejetés par la Méditerranée sur les rives de l'Europe.

Le maniement des statistiques ne saurait faire oublier la réalité singulière de chaque femme, chaque homme, chaque enfant dont la vie s'écrit derrière des colonnes de chiffres. C'est de ces récits singuliers dont nous sommes quotidiennement dépositaires dans nos cabinets et nos permanences que découle le devoir de témoigner et de proposer.

Il est louable de vouloir réduire les délais de la procédure d'asile et cela doit être encouragé à condition que cette réduction ne soit pas supportée par les seuls demandeurs d'asile. Le voyage jusqu'au pays où l'on peut espérer une protection est un voyage long et dangereux au cours duquel de nouvelles violences viennent s'ajouter à celles subies dans le pays d'origine. L'arrivée en France lorsqu'elle est l'escale finale, choisie par la personne ou imposée par le passeur, doit être l'occasion d'un répit, et doit laisser le temps aux soins lorsque ceux-ci sont nécessaires.

La demande d'asile doit aujourd'hui être formulée dans les 120 jours qui suivent l'entrée en France. La directive européenne sur la procédure d'asile prévoit un accès à la procédure dans les trois jours ouvrables (article 6), puis le dossier doit être adressé à l'OFPRA dans un délai de 21 jours. Actuellement, seul le délai laissé à l'administration pour l’enregistrement des demandes d'asile n'est pas respecté : en se manifestant le 13 février en préfecture du Rhône, le demandeur obtient un rendez-vous pour le 26 février, et cette situation n'est pas propre au département du Rhône. Lors des précédentes réformes du droit d'asile, déjà, les réductions de délai ont été supportées par les demandeurs : temps laissé pour rédiger le dossier OFPRA réduit de 30 à 21 jours. De nouveau, le projet de loi prévoit une diminution du délai initial de 120 à 90 jours, et plus grave encore une réduction de moitié du délai de recours qui passerait de 30 à 15 jours.

Tout administré a deux mois pour contester devant une juridiction administrative une décision le concernant. Les demandeurs d'asile sont en l'état actuel du droit déjà soumis à un régime d'exception avec un délai de 30 jours. Porter ce délai à 15 jours rend impossible l'exercice effectif du droit au recours pourtant garanti par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Livrer le récit des événements traumatiques qui sont survenus nécessite du temps : le temps du soin, nous l'avons déjà évoqué, le temps de construire la confiance avec celle ou celui qui va mettre la vie en mots, le temps de la recherche qui viendra abonder ou infirmer le récit personnel. Ce temps là ne peut se contenter de 15 jours. L’écoute  dans le cadre du soin des personnes traumatisées, nous apprend que, plus le traumatisme a été grave ( viols, torture, interrogatoires violents, scènes de meurtre...) plus il leur est difficile d’en faire le récit la première fois. Il leur est nécessaire de raconter d’abord un récit édulcoré, ou de présenter sa propre histoire comme vécue  par un autre...  Il faut aussi que s’établisse une relation de confiance, être sûr que sera bien reçu par l’écoutant, un tel récit empreint d’horreur, de culpabilité de l’avoir vécu, de la peur de ne plus faire partie des humains pour avoir participé à de telles scènes. Cela se fait par petites touches successives  et cela prend  du temps.
La réduction du temps de production du récit de vie invalidera la possibilité de rendre vraiment compte des traumatismes traversés qui rendraient juste et nécessaire le droit d’asile. C'est contraire au droit, à l'éthique et au discours politique qui rappelle régulièrement la nécessité de protéger les réfugiés.

La langue dans laquelle le demandeur d'asile livre le récit d'une vie violentée, abîmée, humiliée, ne peut être que sa propre langue. Lui imposer une autre langue dont on estime "qu'il en a une connaissance suffisante" peut lui nuire. Toute la clinique relationnelle montre combien certaines choses intimes et douloureuses ne peuvent être évoquées que dans notre propre langue. Imposer une langue supposée connue peut conduire à des malentendus gravissimes : ainsi de ce demandeur d'asile syrien d'origine arménienne auquel la CNDA octroie un interprète en langue arménienne, langue qu'il ne maîtrise pas, et qui conclut au rejet de la demande d'asile au motif que la personne aurait menti sur ses origines. Il faudra l'honnêteté de l'interprète en arménien missionnée par le Tribunal administratif dans le cadre d'une audience de reconduite pour obtenir enfin un interprète en arabe moyen oriental permettant au juge de conclure que la personne était réellement syrienne et ne devait eu égard aux risques encourus, pas être reconduite en Syrie.

L'entretien à l'OFPRA comme l'audience devant la Cour Nationale du Droit d'Asile doivent permettre au demandeur de s'exprimer dans sa langue maternelle ou à défaut dans une langue qu'il aura expressément et personnellement choisie, sans quoi nous prendrons le risque de passer à côté des risques encourus et de rejeter une demande pourtant réellement fondée.
Enfin, livrer le récit de sa vie nécessite une rencontre, un échange de regards, une écoute du langage corporel qui dit parfois plus que les mots. La rencontre est impossible lorsqu'un mur fut-il écran, se dresse entre le requérant et son juge. Le développement des audiences en visioconférence permettra peut-être de réduire les délais mais le risque est grand qu'il réduise en même temps l'effectivité du droit d'asile que le projet de loi annonce pourtant vouloir renforcer.

Le syndicat de la juridiction administrative l'a rappelé dans son avis sur le projet de loi : « Le projet vise à développer massivement le recours aux vidéo-audiences. Le SJA s'oppose avec force à ce projet. (…) Le principe pluriséculaire d'unité de temps et de lieu se trouve mis à mal. (…) L'écran de taille nécessairement limitée ne permettra pas au juge de se saisir de l'ensemble de l'atmosphère de la salle de retransmission et ne permettra pas de vérifier que le requérant ne subisse pas de pression de la part des forces de police. La retransmission faussera également la perception qu'a le juge des personnes, de leurs récits et des plaidoiries de leur conseil. »

Pour que soient pleinement pris en considération le temps du droit et le temps du soin, nous demandons :
le maintien du délai de 30 jours laissé au demandeur d'asile pour introduire son recours devant la Cour Nationale du Droit d'Asile
la garantie pour le demandeur d'asile de pouvoir s'exprimer dans sa langue maternelle ou à défaut dans une langue qu'il aura librement choisie, et en aucun cas dans une langue imposée par l'administration
l'abandon du projet de vidéo-audiences, tant devant la Cour Nationale du Droit d'Asile que devant la juridiction administrative ou le Juge des Libertés et de la Détention.

La maltraitance est une option contraire aux droits fondamentaux, elle constitue aussi un risque pour la société qui l'exerce.


Dr Valérie CADIOU, Laure CHEBBAH-MALICET présidente de PasserElles Buissonnières, Françoise CROZAT-FANGET psychologue, Marie-Noëlle FRERY avocate au Barreau de Lyon, Marion HUISSOUD-GACHET juriste, Joëlle SAUNIER présidente de Tiberius Claudius, Pyët VICARD médecin psychiatre

 

13 février 2018 2 13 /02 /février /2018 13:33

Tibérius Claudius
4 place Chazette 69001 Lyon  tiberius.claudius.over-blog.com
Agir en justice pour défendre le droit des étrangers
LETTRE N°32    Janvier 2018

Un nouveau projet de loi Asile-immigration sera voté au Parlement en 2018

Concernant les demandes d’asile, ce projet de loi vise à en accélérer le traitement ce qui en soi peut paraître efficace voire louable. En fait il s’agirait :
• du développement des audiences de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) par vidéo
• des jugements de la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) par ordonnance sans audience;
• de la réduction du délai de dépôt d’une demande d’asile à l’OFPRA, de 120 à 90 jours à compter de l’entrée sur le territoire
• de la réduction de 1 mois à 15 jours  pour un recours devant la CNDA ;
• de l’allongement du temps de rétention administrative -véritable emprisonnement- afin de pouvoir plus facilement expulser des étrangers du territoire.

C’est pourquoi en 2018, Tiberius soutiendra les avocats spécialistes du droit des étrangers pour
• Contester devant le Conseil d’Etat certains refus rendus à la Cour Nationale du Droit d’Asile  par jugements par ordonnance, c’est à dire par un juge unique et sans audience. En 2017, la Cour Nationale du Droit d’Asile, qui est la plus grosse juridiction de France, a rejeté18000 recours de demandes d’asile sur 48000, par une ordonnance rendue par un seul magistrat… et sans audience !
• Défendre l’accès aux droits pour tous les étrangers, adultes, mineurs isolés ou jeunes majeurs

C’est pourquoi comme en 2015, Tibérius financera en 2018 un groupe de travail d’avocats pour
• Déposer un amendement à la loi 2018 : obtenir le temps nécessaire pour que chaque étranger puisse  construire sa demande d’asile et chaque avocat déposer un recours motivé.
• Mobiliser des députés et des sénateurs afin qu’ils soutiennent cet amendement.

    Mineurs oui mais étrangers !    

Alors que le nombre de jeunes arrivant de l’Afrique sub-sahélienne augmentait fortement, l’absence de réflexion anticipative a conduit aux difficultés de fonctionnement des dispositifs métropolitains de l’Aide Sociale à l’Enfance.
Les mineurs en difficulté, français ou étrangers, doivent être pris en charge par les départements depuis les lois sur la décentralisation. Dépassées par les 1000 arrivées de cette année à Lyon (600 en 2016, 350 en 2015 et 2014), les structures de la Métropole de Lyon n’arrivent pas à remplir leurs obligations : hébergement, évaluation de la minorité, scolarisation et formation, suivi santé, …
Les procédures d’évaluation qui rejetaient 25% des jeunes en 2015 en rejettent maintenant 50%.
La présence de plus en plus forte, dans la rue, de jeunes africains dans différents quartiers de Lyon a poussé depuis un an plusieurs associations (Médecins du monde, Cimade, RESF et LDH), et des bénévoles à se réunir pour aider ces jeunes et faire valoir leurs droits à la santé, la scolarisation, la justice.
Ainsi : le Secours Catholique assure l’accueil 7 jours sur 7, la restauration, l’habillement, des cours de français, des activités culturelles ; des étudiants de Lyon 2 sont très actifs dans l’accompagnement et l’hébergement ; des initiatives citoyennes (L’Ouvre Porte, Appartage…) organisent un hébergement chez l’habitant ; des avocats jouent un rôle déterminant pour l’obtenir des mises à l’abri immédiates en hôtel ou foyer et pour saisir le juge des enfants.
Ainsi, tous ces acteurs ont aidé plusieurs centaines de jeunes, presque exclusivement africains, à sortir du cauchemar que fut, pour beaucoup d’entre eux, le passage en Lybie et par la Méditerranée avant d’arriver à Lyon, par Nice souvent et pour certains par les cols enneigés du briançonnais.

 Affaire n°212 - Une famille de ressortissants arméniens que le Préfet n’en finit pas de rejeter.
Fuyant l’Arménie pour des raisons de sécurité, les époux H sont arrivés en France avec leurs enfants de 8 et 11 ans en mai 2011 et ont déposé de suite une demande d’asile rejetée par l’OFPRA puis par la CNDA en octobre 2012. Un 3ème enfant est né à Feyzin en 2012.
En octobre 2012, les époux H obtiennent un titre de séjour temporaire et travaillent régulièrement sous contrat de travail à durée indéterminée.
En Janvier 2014, la Préfecture refuse le renouvellement de leur titre de séjour et leur notifie une Obligation de Quitter le Territoire Français, contestée mais confirmée par la cour administrative d’appel en août 2015.
Mme H sollicite alors un titre de séjour pour raisons de santé. Le Préfet rejette en novembre 2015 la demande et notifie une nouvelle OQTF qui est confirmé par le TA en juillet 2016.  
En Décembre 2017, le Préfet du Rhône leur notifie à nouveau un refus de titre de séjour assorti une OQTF, alors que la famille parle très bien français, réside en France depuis plus de 6 ans, justifie d’une belle intégration à Oullins, que les trois enfants sont scolarisés, l’aînée étant en 1ère,  que Madame est en stage de formation à l’Amicale du nid depuis juillet 2017, et que son frère, sa mère et sa sœur ont aussi fui l’Arménie pour des raisons de sécurité et vivent à New York depuis l’été 2015.
Devant tant de hargne à rejeter cette famille au mépris du droit des étrangers, Tibérius a demandé à Me Madeleine JAYLE de reprendre en charge la défense de la famille H, ce qu’elle fait en janvier 2018 en déposant un recours devant le Tribunal Administratif de Lyon.

AFFAIRE n° 207 – M. K Réfugié palestinien
Monsieur K, 27 ans, est un ressortissant palestinien né au Liban dans un camp pour réfugiés dépendant de l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient). Approché par une des milices jihadistes présentes dans le camp pour aller combattre en Syrie, il a refusé d’être recruté, ce qui lui a valu de sérieuses menaces.
Son frère aîné, naturalisé français, vit dans l’Ain depuis plus de 15 ans. Inquiet des représailles subies par son jeune frère, il aide en sept 2013 M. K à parvenir en France où il vit depuis chez lui. Peu au fait des règles juridiques, les frères K n’ont pas sollicité de protection.
30 avril 2017 - Suite à un banal contrôle d’identité, le Préfet de l’Ain notifie à M. K une Obligation à Quitter le Territoire Français avec interdiction de retour d’un an. Placé en Centre de Rétention Administrative en vue d’un retour au Liban, M. K refuse d’être embarqué et le 4 mai dépose une demande d’asile.
17 mai – Après un entretien OFPRA en visioconférence, avec un interprète uniquement du coté de l’OFPRA, la demande d’asile de M. K est rejetée au motif que son récit n’a pas convaincu.
29 mai - Alerté, Le cabinet Fréry prend en main le dossier du palestinien. Avec le soutien de Tibérius, le cabinet travaille en urgence à plusieurs avocats pour obtenir l’annulation de l’OQTF et  un titre pour M. K.
Le 30 mai - Me Fréry dépose un recours motivé devant la CNDA contre le rejet de l’OFPRA du 17 mai.
Le 2 juin – Après un référé liberté contre l’OQTF, le Tribunal Administratif de Lyon suspend la mesure d’éloignement mais maintient M. K en rétention. Dimanche 4 juin : Me Fréry envoie par fax un recours au TA contre le maintien de M. K en rétention et demande l’annulation de l’OQTF.
7 juin – Au TA, le juge a pu questionner M. K et son frère aîné qui ont pu cette fois répondre aux questions par l’intermédiaire d’un interprète, et a entendu la défense de Me Fréry et Me Jayle.
1er Résultat : Le TA de Lyon a annulé l’OQTF, a enjoint le Préfet de remettre une attestation de demande d’asile à M. K et a ordonné la libération de celui-ci.
Convoqués à la CNDA le 7 décembre devant un juge unique, Me Fréry a demandé au président de renvoyer le jugement de M. K pour qu’il soit entendu en audience collégiale, avec un interprète.
2ème Résultat : Le jugement de M. K à la CNDA a été reporté à fin février2018, en audience collégiale. Question juridique : un réfugié palestinien provenant d’un camp dépendant de l’UNRWA et subissant des menaces graves peut-il bénéficier d’une protection dans un autre Etat ?

Affaire n° 210 Une affaire exemplaire d’étrangers qu’il fallait défendre en urgence car ils étaient mis en danger par les règles de Dublin.

Dublin
Sans égalité de traitement des demandes d’asile dans les 18 pays de l’Union Européenne, il est encore dangereux de renvoyer un étranger dans certains pays, sous prétexte que c’est par un de ces pays qu’il est entré en Europe.

Un couple de tchétchènes et leurs très jeunes enfants, sont entrés dans l’espace Schengen par la Pologne, où ils ont été gravement maltraités et où le statut de réfugié leur a été refusé. Dans leur famille qui comprend des « rebelles », tous sont considérés complices, et un cousin a été assassiné.
Devant l’inertie des services de police pour les protéger, ils fuient la Pologne avec l’aide d’une ONG polonaise et arrivent France en juin 2017 où un jeune frère a déjà obtenu le statut de réfugié. Ils sont accueillis par des compatriotes et déposent une demande d’asile.
Le 27 juillet, après un entretien sans interprète, la préfecture du Rhône les place sous convention Dublin. Ils sont assignés à résidence avec pointage deux fois par semaine, avant d’être renvoyés en Pologne, pays qui accorde moins de 10% de statuts de réfugiés et à coup sûr les renverrait en Tchétchénie. Médecins du monde les adresse à Me Fréry.
Avec l’aide de Tibérius, le cabinet Fréry peut travailler en urgence à plusieurs avocats et, dans les 48 heures, dépose un recours motivé devant le TA.
Le 2 août 2017, le tribunal administratif annule les décisions du préfet du Rhône et enjoint celui-ci de procéder au réexamen du dossier dans les 15 jours. Le préfet aurait pu faire appel mais a accepté ce jugement.
Ainsi, ce couple de tchétchènes a évité le renvoi en Pologne. Enregistrés comme demandeurs d’asile à compter du 22 novembre 2017, ils seront entendus par l’Ofpra fin janvier 2018.

Affaire N°204 Refus de délivrance de récépissé
Madame A, camerounaise, arrivée en France en 2013, emménage avec un ressortissant français. En 2016, elle donne naissance à un petit garçon. Munie du certificat de nationalité française de l'enfant, elle se présente à la sous-préfecture de Saône et Loire afin d'obtenir un récépissé dans l'attente de sa carte de séjour « vie privée vie familiale ». Madame ressort de la sous-préfecture sans document attestant de sa démarche.
Un appel de l'association PasserElles Buissonnières à la sous-préfecture de Châlons confirme… que tels y sont les usages en matière de parents d'enfant français ! Mme A retourne à la sous-préfecture et obtient une attestation de passage.
Tibérius mandate Me Sophie POCHARD pour défendre Madame. Un premier courrier à la préfecture de Saône et Loire demeure sans réponse. Le Tribunal administratif de Dijon est saisi en référé. L'audience a eu lieu le 16 décembre 2016. La Préfecture argue que Madame n'a pas produit de preuve de son entrée régulière en France. Or, le CESEDA prévoit expressément que la régularité de l'entrée n'est pas applicable aux parents d'enfant français mineur.
Le juge a retenu l'urgence et enjoint la Préfecture de délivrer un récépissé à Madame, dans l'attente du titre de séjour.
 
Affaire n°208  M. AA - Demande d’asile pour des étrangers non protégés par leur pays

Deux manquements graves à l’exercice de la Justice dans un état de Droit : 1) Pendant ces 11 mois, la famille et Me Fréry n’ont pas été informées des démarches de la Présidente de la Cour auprès de l’Ambassade de France à Tirana, par les directions de la Police et de la Gendarmerie françaises. 2) La Présidente n’a pas, non plus, procédé à une nouvelle audience de la famille.
E.N, devenue majeure en Juillet 2015, fait en son nom propre une demande d’asile sur le motif des graves atteintes dont elle avait été victime avant de se réfugier en France. Nouveau refus de l’OFPRA en Novembre 2015. Me Fréry dépose un recours devant la CNDA.

M. AA,  agent de la police judiciaire de son pays, a été chargé pendant plusieurs années de la lutte contre les réseaux de trafic de stupéfiants. Suite à l’arrestation de nombreux trafiquants,  sa famille et lui se sont trouvés menacés.
Dans les suites d’un revirement politique de leur pays, la protection demandée pour lui et sa famille ayant été refusée par le Procureur Général, M. AA, grâce à un réseau chrétien, a réussi à faire partir sa femme et ses enfants en France, puis les a  rejoints. Deux demandes de réexamen à l’OFPRA, sans conseils juridiques adéquats, ont échoué : « non fondé ».
En mars 2017,  Maître Fréry reprend le dossier en urgence, et présente un recours motivé auprès de la CNDA contestant l’irrecevabilité  notifiée de la demande de réexamen.
Le 7 décembre, à l’issue de l’audience de Mme seule à la CNDA, (M. étant en fuite à cause de menaces rapprochées), la protection subsidiaire est accordée à Mme.
La juge a bien compris la situation très critique de cette famille, et on peut espérer que, lorsque M. AA réapparaîtra, on obtiendra pour lui une régularisation en qualité de conjoint d’une personne protégée.

Affaire N° 175 - Alim, mineur camerounais expulsé (voir lettre N° 29)

MÉPRIS ET SUSPICION
Un magistrat français s’autorise à refuser une pièce d’identité délivrée par une autorité étrangère

Après avoir pris en charge Alim pendant plus d’un an, le Conseil Général du Rhône et la police avaient décidé que le certificat de naissance d’Alim était un faux, et preuve de sa mauvaise foi, ne refusait-il pas le test osseux ! En décembre 2014, le tribunal le condamnait à rembourser plus de 100 000 E de frais de prise en charge par le Conseil Général, à 4 mois de prison et à son expulsion au Cameroun.
Après un nouveau et difficile périple, Alim est revenu à Lyon avec des papiers officiels d’identité pour prouver sa bonne foi et pouvoir terminer ses études. La préfecture ne répond pas à sa demande de régularisation, mais l’attaque devant le tribunal correctionnel pour usage d’un acte de naissance qu’elle prétend être un faux. MN Fréry démontre devant le tribunal qu’Alim est bien né le 7 mai 1996 au

Cameroun : le certificat de naissance l’atteste. L’ambassade de France au Cameroun répond à la préfecture « nous attirons votre attention sur le fait que le bureau d’état civil qui a délivré le document est situé à plusieurs centaines de kilomètres de Yaoudé. Il ne nous sera donc pas possible de nous y transporter physiquement afin d’effectuer les vérifications ».
Le certificat de nationalité et le passeport biométrique produits par Alim attestent la même date de naissance, et la présidente du tribunal reconnaît leur validité. Mais elle dit que ce n’est pas la question, car l‘extrait d’acte de naissance serait un faux. Alim est donc condamné pour usage de faux. MN Fréry soutenue par Tibérius Claudius fait appel.

Affaire n° 213  Mme K. et M. L

LES ÉTRANGERS ONT BESOIN DE TEMPS
Chaque homme ou chaque femme qui a été victime de violences graves, a besoin de temps pour sortir de la sidération et construire sa demande d’asile.

M. L était venu seul avec son fils en France et avait été débouté de sa demande de statut de réfugié. Il fut alors suivi par Céline Proust en 2011.
Sa femme, Mme K, et ses filles sont arrivées en France en 2012. Céline est intervenue pour la première demande d’asile de Mme K et le réexamen de celle de M. L. Rejet des deux demandes l’année suivante. Le cas de M. L avait pourtant été retenu comme cas d’étude clinique par le Centre de Santé du Fonds des Nations Unies pour les victimes de torture. Il était suivi par Essor le centre de santé de Forum Réfugiés. Ses souffrances psychiques étaient liées aux tortures qu’il avait subies.

Pour le réexamen, M. L avait fait l’objet d’un refus d’admission au séjour. Contesté devant le Tribunal Administratif, le refus préfectoral fut annulé en 2016 après trois ans de procédure. Mais entretemps, M. L avait disparu !
En effet, M. L, fragilisé sur le plan psychologique, car il se sentait responsable des souffrances infligées à sa famille, s’est mis à disparaitre et réapparaitre régulièrement avant de disparaitre définitivement. Il aurait été vu à la frontière russe et arrêté en Tchétchénie. Des recherches difficiles continuent pour essayer de le retrouver.

Les familles de Mme K et de M. L sont accusées d’aide aux combattants tchétchènes et d’autres membres des deux familles ont cherché refuge en France. Plusieurs ont obtenu le statut de réfugié dont la sœur de Mme K, son mari et deux de leurs enfants. Une fille de Mme K a obtenu un titre de séjour VPF.

C’est dans ce contexte qu’en 2014 fut demandé, pour Mme K, une demande de réexamen de sa demande d’asile basé sur la disparition de son mari et le décès d’un membre de sa famille. L’OFPRA rejeta la demande sans avoir procédé à l’entretien. Une demande de titre de séjour pour Etranger Malade fut aussi rejetée par la préfecture, mais sans obligation à quitter le territoire. L’admission au séjour de Mme K pour la demande de réexamen lui a été refusée et a été contestée par l’avocate auprès du TA de Lyon qui a conclu à un rejet de la requête de Céline. C’est par un recours à la CNDA en 2015 que l’avocate obtint l’annulation de la décision de rejet de l’OFPRA sans entretien. Un passage devant l’officier de l’OFPRA eut lieu en juin 2016, mais conduisit à un nouveau rejet malgré la qualité des preuves du dossier.

Un deuxième recours devant la CNDA, financé comme le précédent par Tiberius, repris toute l’affaire. Mais la présidente de la Cour avait une méconnaissance totale du dossier. Seul le rejet OFPRA sans entretien y était mentionné, mais pas la suite de la procédure. Devant le refus de la présidente de renvoyer l’affaire, devant sa volonté à ne pas reconnaitre les syndromes post-traumatiques, l’avocate fit un courrier à cette présidente, à celle de la CNDA ainsi qu’à la bâtonnière. Le renvoi fut alors accepté. Malgré la bonne tenue de la nouvelle audience et la présence des trois juges, la décision fut encore un rejet de la demande de Mme K.
C’est pour cela que Tiberius a accepté récemment de financer l’introduction d’un recours auprès de la juridiction supérieure, le Conseil d’Etat. En cas d’échec, c’est auprès de la Cour Européenne qu’il faudra faire appel. En attendant, il reste à suivre l’évolution de l’examen de la demande de titre de séjour.

Les fonds de Tibérius Claudius reposent uniquement sur des dons par chèques et virements individuels.
Si vous optez pour un virement automatique, vérifiez que votre banque l’a bien exécuté.
Consultez tiberius.claudius.over-blog.com

 

12 mars 2017 7 12 /03 /mars /2017 21:22

 

 

 

2 mars 2016 3 02 /03 /mars /2016 21:50

La réforme de la loi sur l’asile. La réforme de la loi sur l’immigration

Le point de vue de Me M. Noëlle Fréry

La réforme de la loi sur l’asile

L’idée centrale de la réforme de l’asile a été de réduire les délais pour traiter plus vite les demandes d’asile et réduire ainsi les coûts de procédure et les coûts d’hébergement. Le problème, c’est que les délais ont été trop réduits et qu’on se retrouve maintenant avec une loi qui augmente le nombre de déboutés.

En effet, l’ofpra peut instruire les dossiers d’asile en procédure normale ou en procédure prioritaire, maintenant appelée « procédure accélérée ». Si l’ofpra choisit la procédure accélérée, notamment pour les demandeurs venant de « pays dits sûrs », le traitement des dossiers s’effectue en quelques semaines à l’OFPRA. Mais surtout, la Cour d’asile a l’obligation de juger en 5 semaines les dossiers traités en procédure accélérée, jugement compris. La présidente de la Cour d’asile ayant laissé aux magistrats 15 jours pour rédiger le jugement, cela signifie que les magistrats vont audiencier et juger en 3 semaines. Or en France, on reçoit en moyenne 50 à 60000 demandeurs d’asile par an, dont 40% environ des dossiers sont traités en procédure accélérée.

Cela entraînera une augmentation des cadences à la Cour d’asile, ce qui signifie pour les juges peu de temps pour s’approprier les dossiers donc un stress de plus en plus important. Précisons aussi qu’à la Cour d’Asile il y a plus de 110 formations de jugements avec des appréciations totalement différentes des situations en fonction des présidents. Pour un même dossier, selon le président, la décision peut être favorable ou défavorable. Ces décisions souvent contradictoires font aussi qu’il n’y a pas beaucoup d’harmonisation de la jurisprudence.

Cela veut dire aussi, du côté de la défense, que personne n’a le temps de travailler sérieusement, tant pour la traduction de certains documents, que pour envoyer éventuellement les personnes voir un médecin si elles ont été victimes de graves violences.

Quant à la rémunération des avocats, rien n’a bougé. Dans la reforme de l’asile, à l’OFPRA, les gens peuvent être assistés par un tiers, avocat ou association, ce qui sur le principe est une amélioration. Mais quels moyens met-on en face ? On nous avait dit qu’il y aurait un transfert de rémunération pour l’avocat par l’aide juridictionnelle, mais pour l’instant, rien. Donc, soit la personne a les moyens de payer, soit l’avocat travaille de façon gratuite. Or, il s’agit d’un vrai travail et pas seulement d’une présence, car il faut bien connaître le dossier pour poser les bonnes questions à l’OFPRA.

Enfin, il ya le temps nécessaire à un demandeur d’asile pour arriver à s’exprimer quand il a été victime de tortures parce que les gens ne vont pas en 3 semaines nous faire leurs confidences sur des points difficiles à exprimer. C’est pourquoi il est important que tout le monde puisse lire le Protocole d’Istanbul, adopté par les Nations Unies en 1999 et auquel les directives européennes « Accueil » et « Procédure » se réfèrent désormais.

Sur l’amendement qui n’est pas passé en juillet 2015, la commission de l’Assemblée ne voulait pas de notre proposition de réouverture car ils voulaient que le réexamen soit limité à des conditions très strictes fixées par l’OFPRA. Et si l’OFPRA a décidé que la demande est irrecevable, cela n’ira pas plus loin et cela va augmenter les reconduites des personnes à la frontière.

Les reconduites effectives à la frontière

La question qui devrait être posée c’est : pourquoi l’administration prend autant d’Obligations de quitter le territoire français ? Dans la plupart des dossiers, on est actuellement à 3 ou 4 OQTF. En temps qu’avocat, on va au tribunal toutes les années et on se dit qu’un jour on gagnera. Mais, année après année, l’administration prend des décisions de quitter le territoire, alors qu’elle sait pertinemment qu’elle n’arrivera pas à faire exécuter ces renvois.

Les statistiques du ministère de l’intérieur du 25 janvier 2016 montrent que sur 60000 OQTF, en pratique 15000 ont été exécutées pour l’année 2015, soit de 5% de baisse par rapport à l’année précédente. Il s’avère que 60% des décisions de quitter le territoire ne sont pas exécutées parce que les Etats étrangers refusent de délivrer les laissez-passer, soit qu’ils sont en guerre ou qu’ils n’acceptent pas que ces demandeurs d’asile reviennent chez eux. Tout le monde sait donc que ces mesures ne seront pas nécessairement exécutées mais elles sont prises quand même et elles mettent les personnes dans une situation de non droit, sans papiers.

Par contre, ces statistiques englobent les « départs volontaires », estimés à 9000 personnes. Avec les 15000 reconduites effectives, cela donne environ un total de 24000 départs. En moyenne, sous le gouvernement précédent, on était à 29000/30000 reconduites. Cette baisse des reconduites à la frontière n’est donc pas due à la générosité du gouvernement, mais à une énorme machine peu efficace et qui fait beaucoup de dégâts humains.

La réforme de la loi sur l’immigration

L’Assemblée reprend en ce moment la réforme de la loi sur l’immigration. L’idée centrale de la réforme vise à alléger les procédures et reconduire plus de personnes à la frontière. Or, le rapport Piérart du Conseil d’Etat sorti en novembre 2015, constate que les juridictions administratives sont totalement embouteillées, notamment par les OQTF.

Parmi les propositions, on peut noter :

  • Supprimer la compétence du juge administratif pour les reconduites à la frontière et confier ce travail à des commissions administratives ;
  • Réduire l’accès à la Cour administrative d’appel et le recours au Conseil d’Etat.

Comme pour les demandeurs d’asile, le rapport Piérart estime que cela coûte trop cher et que c’est trop long Donc, l’idée revient à dé-judiciariser ces questions et de les remettre à des commissions administratives. Avantages : on ne saisit pas le juge, il n’y a pas d’avocat et surtout on supprime les recours effectifs.

Donc, on va réduire la durée de traitement des dossiers, remplacer la compétence du juge par des commissions administratives. Quand elles seront déboutées, les personnes n’auront plus droit au recours et on augmentera les reconduites à la frontière.

Deux ou trois choses que nous savons au sujet des amendements

proposés par PassereElles Buissonnières et Tiberius Claudius

Le 30 juillet 2015, la loi relative à la réforme du droit d’asile paraissait au Journal Officiel.

Les « personnes vulnérables »

Cette loi devait transposer en droit français deux directives européennes avant le 20 juillet 2015 et intégrer les directives Accueil et Procédure du 26 juin 2013 dans la perspective d’une politique européenne commune dans le domaine de l’asile, en référence aux préconisations du Protocole d’Istanbul.

Ces directives s’intéressent particulièrement aux personnes « vulnérables », telles que les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitale féminine.

L'article 3 de la nouvelle loi modifie ainsi Code d’Entrée et de Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA) et indique : « S’agissant des motifs de persécution, les aspects liés au genre et à l’orientation sexuelle sont dûment pris en considération aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe. »

Les amendements proposés :

Le groupe pluridisciplinaire réuni par l’association PasserElles Buissonnières et Tiberius a rédigé deux amendements présentés il y a un an sous le titre « Affaire 179 : le projet Asile 2014 ». Ces travaux se basaient sur les préconisations du Protocole d’Istanbul qui concernent les personnes ayant été l’objet de tortures.

L’amendement sur le Huis clos a été accepté

Deux amendements s’affrontaient, celui défendu par Sandrine Mazetier et B. Cazeneuve « Lorsque la requête repose sur des faits de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d'agressions sexuelles, le huis clos est de droit si le requérant le demande » et celui de PasserElles/Tiberius « Le huis clos sera prononcé de droit si le demandeur d’asile ou son conseil le sollicite.”

En séance plénière, contre l’avis qui limitait le droit au huis clos sous prétexte que sa généralisation contreviendrait au principe républicain de la publicité des débats, Sergio Coronado, Denys Robilliard et Pascale Crozon ont défendu notre amendement qui a finalement été accepté.

« Art. L. 733-1-1. : Les débats devant la Cour nationale du droit d’asile ont lieu en audience publique après lecture du rapport par le rapporteur. Toutefois, le huis-clos est de droit si le requérant le demande ».

L’amendement sur le Réexamen de la demande

La proposition de PasserElles/Tiberius était : « L’Office procédera au réexamen de la demande si des faits liés à des violences graves ou tortures n’ont pu être évoqués en première demande », amendement rapidement rejeté. La loi est devenue :

« Art. L. 723-14. – Si, dans un délai inférieur à neuf mois à compter de la décision de clôture, le demandeur sollicite la réouverture de son dossier ou présente une nouvelle demande, l’office rouvre le dossier et reprend l’examen de la demande au stade auquel il avait été interrompu ../.. Le dossier d’un demandeur ne peut être rouvert qu’une seule fois en application du premier alinéa. Passé le délai de neuf mois, la décision de clôture est définitive. »

Les avocats spécialistes du droit des étrangers et l’aide juridictionnelle

Après avoir voulu faire financer l’AJ en partie avec les intérêts produits par l’argent des clients des avocats consignés dans les Caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), Christine Taubira est revenue en arrière après les grèves d’avocats menées par le Syndicat des avocats de France en octobre dernier.

Il est de plus en plus difficile pour les avocats spécialistes du droit des étrangers d’assurer l’assistance aux bénéficiaires de l’AJ car la rémunération est souvent bien inférieure aux frais engagés. Un dossier en Cour nationale du droit d'asile avec audience publique est tarifé à 16 unités de valeur soit 16x23,18 = 370€ pour les entretiens avec les personnes, la constitution du dossier, le voyage à Paris, la plaidoirie…

Accès au droit - Renouvellement de titre de séjour par internet

Ou les dégâts collatéraux de la dématérialisation des procédures

Un dossier du cabinet d’Alain Couderc et Morad Zouine

Pour remédier aux longues files d’attente devant la Préfecture, un système de prises de rendez-vous sur Internet a été mis en place en 2014 et rendu obligatoire depuis août 2015.

Monsieur B, salarié depuis 2005, marié et père de 4 enfants, est titulaire d’une carte de résident expirant le 5octobre 2015. La réglementation précisant que l’étranger doit présenter sa demande de renouvellement « dans le courant des deux derniers mois précédant l'expiration de la carte de séjour dont il est titulaire », Mr B se présente donc le 24 septembre2015 à la Préfecture pour faire enregistrer sa demande de renouvellement de titre de séjour et obtenir un récépissé, celui-ci lui permettant de maintenir ses droits pendant la période d’examen de sa demande.

Mr B est alors informé qu’il doit prendre rendez-vous au préalable en se connectant sur le site de la Préfecture. M. B quitte la Préfecture sans qu’on lui ait délivré de récépissé, procède à la démarche sur internet et obtient un rendez-vous… pour le 23 novembre 2015, soit 49 jours après la date d’expiration de son titre de séjour.

Depuis la mise en place de la nouvelle procédure dématérialisée, les délais de RV semblent avoir explosé. Or, ces 49 jours et l’absence de récépissé signifient pour Mr B : la situation d’irrégularité, la suspension de son contrat de travail, l’impossibilité de financer ses dépenses de famille et de rembourser son crédit immobilier.

Compte tenu de la gravité des conséquences d’une telle mesure, Mr B décide de se faire accompagner et fait saisir le juge des référés du TA de Lyon pour faire avancer le rendez-vous.

Considérant que la Préfecture place les étrangers renouvelant leur titre de séjour dans une situation irrégulière, le TA a enjoint le Préfet de recevoir Mr B « dans ses services pour qu’il puisse déposer sa demande de titre et lui en délivrer récépissé dans un délai de 48h ».

L’expulsion des foyers des personnes déboutées de l’asile.

Qui la demande ? Qui va décider ? Juge judiciaire ou du juge administratif ?

La récente jurisprudence du Conseil d’État avait qualifié « le C.A.D.A d’immeuble appartenant à une personne morale de droit privé et considéré qu’il appartenait alors au Juge judiciaire d’ordonner éventuellement l’expulsion. » (Arrêt du Conseil d’Etat du 11 mai 2015 – n° 304957)

En juillet 2015, concernant les questions d’expulsions des personnes déboutées de l’asile, le législateur a prévu que c’est le Préfet et non le gestionnaire du C.A.D.A qui devra demander l’expulsion. Toutefois, le gouvernement et le pouvoir législatif ont estimé qu’il fallait rendre compétent le Président du Tribunal administratif et qu’il traite cette demande dans le cadre des procédures « Référés – mesures utiles ».

Il s’agissait d’éviter le Juge judiciaire qui est plus à même d’apprécier la précarité des personnes et d’accorder des délais, conformément aux textes de Loi applicables en cette matière.

Il faudra donc poursuivre ce travail devant les Juges Administratifs, pour obtenir d’eux le respect des délais prévus par ailleurs en cas de demande d’expulsion d’occupants sans droit ni titre…

Une Journée de Formation à Lyon le 20 novembre 2015

Pour faire connaitre le trop méconnu Protocole d'Istanbul.

Le travail de groupe réalisé par PasserElles Buissonières et Tiberius Claudius pour deux amendements à la Loi Asile, a conduit ses membres à lire le Protocole d'Istanbul auquel les directives européennes «Accueil» et «Procédure» se réfèrent. Adopté par les Nations Unies en 1999, ce manuel s’adresse aux différents professionnels intervenant auprès de victimes de tortures. Pour faire connaître ce texte, PasserElles Buissonnières a organisé le 20 novembre 2015 une journée qui a réuni une cinquantaine de participants d’horizons professionnels variés.

A la tribune : Caroline Schar, psychologue (Suisse) et Önder Özkalipci, médecin légiste (Turquie), coordonnateurs de l'élaboration du Protocole d'Istanbul ; Doudou Diene, vice-président du comité scientifique de l'Institut international de recherche politique de civilisation, fondé par Edgar Morin, et par ailleurs expert indépendant auprès de l'ONU ; Marie-Noëlle Fréry, avocate spécialiste du droit des étrangers. Hélène Surrel, professeur de droit public à Sciences-Po Lyon a assuré l’introduction, la circulation de la parole et la conclusion de la journée.

Une journée stimulante, le matin avec des interventions suivies d'échanges avec la salle ; un buffet convivial permettant les rencontres ; et l’après-midi, des ateliers de réflexion. Les actes journée paraîtront bientôt.

PasserElles Buissonnières ? Cette association lyonnaise, née en 2012, propose à des femmes ayant connu la maladie ou l’exil de se réunir pour élaborer un projet professionnel et un projet de vie.

L’accompagnement articule trois temps : un temps individuel où chacune accompagnée par un médecin et une juriste, pense et construit son projet personnel ; des ateliers thématiques pour rompre avec l’isolement et se réinscrire dans une identité sociale : santé, informatique, relaxation, français langue étrangère, conversation anglaise, conte, manger-bouger, organiser son temps, autodéfense ; et des «passerelles» pour s’ouvrir sur la cité : repas bimestriel « le Goût de l’Autre », découverte de la ville et de ses acteurs, Salon des femmes du monde pour partager une citoyenneté active.

2 mars 2016 3 02 /03 /mars /2016 21:48

Nous reproduisons ici l’intervention de Madame Michelle Zancarini-Fournel, historienne, lors de la conférence du 5 novembre 2015 - Mairie du 1er arrondissement de Lyon, organisée par la Cimade et le Collectif des Associations de défense des droits des étrangers

Il est nécessaire de casser l’image bienfaisante que la France veut donner d’elle-même comme patrie des droits de l’homme et du droit d’asile qui lui permet aujourd’hui d’être beaucoup plus frileuse et restrictive que l’Allemagne dans l’accueil des réfugiés. L’histoire le montre amplement depuis la Révolution française de 1789.

On peut distinguer cinq moments clés dans la figure contemporaine de l’étranger/ère et du/de la réfugié-e, les deux conditions et statuts étant inextricablement mêlés.

I - La Révolution française, de l’accueil universel à la suspicion générale

Les cahiers de doléances de 1789 font silence sur la présence d’étrangers qui semble aller de soi, à l’exception des Juifs où la question de leur statut est posée. La Révolution Française, ce moment initiateur de la culture républicaine, déclare un droit à l’universel. Quelle place va t-elle faire aux étrangers qui affluent sur son territoire en 1789 ? C’est à partir de leur statut que va être défini le droit de nationalité et de citoyenneté avec le principe : « Il n’ y a pas de frontière pour les amis de la liberté ». Certains étrangers obtiennent même en 1792 le droit de représenter le peuple français : c’est le cas de ceux qui se considèrent ambassadeurs du genre humain, l’anglo-américain Thomas Paine, le prussien de Cloots, et plus connu le Suisse Marat, devenus députés. La constitution du 24 juin 1793 affirme que « le peuple français donne asile aux étrangers bannis de la patrie pour la cause de la liberté. Il la refuse aux tyrans ». Mais la Convention en guerre considère quelques semaines plus tard que l’origine étrangère préjuge au contraire un danger pour la patrie.

Le projet de loi du 3 aout 1793 redéfinit un statut d’hospitalité, marqué pour les étrangers par le port obligatoire d’un brassard tricolore sur lequel ce terme est inscrit. 0n définit aussi des étrangers de l’intérieur : nomades, pauvres et contre-révolutionnaires considérés comme suspects. Sont exclus de la souveraineté, l’étranger national né hors de France, exclu de la souveraineté ( 6 nivôse an II/ 26 décembre 1793) et l’étranger politique né ou non en France, devenu un traitre (tel le roi Louis XVI considéré comme étranger). Le décret du 7 prairial an II (26 mai 1794) exclut également les Anglais devenus traîtres et étrangers à l’humanité (il ne sera pas fait de prisonniers anglais). Des comités de citoyens vérifient localement la situation et la loyauté des étrangers. L’ensemble des membres du peuple souverain ne jouit cependant pas des droits de citoyens. Les citoyens passifs, les femmes et les esclaves sont exclus du souverain et n’ont pas le droit de citoyenneté.

À la faveur de la guerre européenne de conquête sous le Directoire et l’Empire, des légions sont constituées avec des étrangers qui veulent défendre les acquis révolutionnaires. La plus célèbre est la légion polonaise formée de 2000 hommes venus après le troisième partage de la Pologne.

Dès la période révolutionnaire, après la déclaration universaliste des droits de l’homme, apparaît une oscillation entre l’accueil de « tous les amis de la liberté » à qui l’on accorde parfois la nationalité française, et, avec la guerre, leur rejet du fait des craintes que fait naître « le complot de l’étranger ». En 1804 parce que la naissance sur le sol paraît insuffisante pour garantir la fidélité d’enfants étrangers nés en France, le Code civil rejette ainsi le simple jus soli hérité de l’AR et institue le monopole de la transmission automatique de la condition de Français par la filiation, le jus sanguinis.

Le cas particulier des juifs

À la veille de la Révolution, les juifs représentent en France une petite minorité - au maximum quarante mille personnes - dont la présence n'est tolérée que dans les marches frontières. Dans un certain nombre de régions, des juifs sont installés depuis longtemps : dans les provinces et les villes de l'Est rattachées plus tardivement à la France (en particulier en Alsace : une population essentiellement rurale qui représente la moitié de la population juive de France.) Dans le Sud-Ouest, les "marranes" ayant fui l'Espagne ou le Portugal à la suite de la Reconquista (1492) sont surnommés « les Portugais ».

Dans le sud-est, des juifs habitent l’enclave des Papes, autour d’Avignon et du Comtat Venaissin, région rattachée à la France à la Révolution : c’est la seule communauté juive enracinée depuis des siècles sans interruption. Lors de la rédaction des cahiers de doléances, les juifs d’Alsace et de Lorraine ont le droit de présenter un mémoire et non un cahier : ils réclament la liberté de culte et l’égalité fiscale. 307 cahiers traitent du problème juif dans 33 bailliages ou districts. La question de l’émancipation est posée à la veille de la révolution. La Déclaration des Droits de l'Homme affirme que « tous les hommes naissent et demeurent égaux en droit » et que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions religieuses ».

Ce que les juifs obtiennent par les premières réformes de la Révolution c'est le droit de résidence dans n'importe quel point du royaume. Une première étape en faveur des juifs est franchie le 28 janvier 1790 quand l'Assemblée constituante accorde les droits de citoyen actif aux Juifs « connus sous le nom de Portugais, Espagnols et Avignonnais ». La majorité des députés des provinces de l'est continue à s'opposer à ce que les mêmes droits soient accordés aux Juifs de leurs régions, au nom de l'ordre public. Jamais selon eux, le calme ne règnerait en Alsace si les Juifs étaient admis au rang de citoyen actif. À la veille de se séparer, l'Assemblée constituante finit par voter le 27 septembre 1791 l'abolition de toute discrimination concernant les juifs. Ce décret s'applique à tous les résidents en France, sans exception : Le terme de "Nation juive" est définitivement banni ; les structures communautaires doivent disparaître. 1 le principe est « Il faut tout refuser aux Juifs comme Nation et tout leur accorder comme individus ».

Les juifs ont participé avec enthousiasme au mouvement populaire des années révolutionnaires. Mais la déchristianisation de 1793 paralyse aussi le culte juif. Cependant pour les communautés juives des régions d'Outre-Rhin et d'Italie où pénètrent les armées de la République à partir de 1795 c’est l'heure de la liberté. Les murs du ghetto de Rome sont mis à terre ; des arbres de la Liberté sont plantés en Allemagne. En dépit des tensions et des conflits, le principe de l'émancipation des Juifs n'est pas remis en question ; leur statut est pérennisé dans la constitution de l'an III (1795) sans débat.

Les décrets napoléoniens de 1808

Les deux premiers décrets réglementent le culte. Le gouvernement calque l’organisation et le rôle des rabbins sur celui des prêtres ou des pasteurs. On impose aux juifs une organisation : un Consistoire Central avec son grand rabbin à Paris et deux laïcs, plus un consistoire composé d’un rabbin plus trois laïcs dans chaque département. En rupture complète avec les structures communautaires d'avant la Révolution, l'organisation consistoriale est imposée de l’extérieur. Mariages, enterrements, sermons sont célébrés à la synagogue.

Des familles juives peuvent alors s'établir dans les grandes villes Lyon, Marseille, Toulouse. L'évolution se fait très lentement et les bénéfices de la liberté professionnelle ne seront visibles qu'après 1830. Mais dès les années 1795, l'idéalisme révolutionnaire auquel s'ajoutent les exigences de la conscription napoléonienne, pousse les Juifs dans la carrière militaire. Un certain nombre d’entre eux entre dans les écoles supérieures militaires. Beaucoup, recrutés comme simples soldats, gravissent rapidement les échelons et accèdent au rang d'officiers. La convocation de l'Assemblée des Notables, puis celle du Sanhédrin, est, pour Napoléon, l'occasion de jauger la vraie nature de l'attachement des Juifs à la France et des chances de réussir leur intégration au sein de la nation française, ce qui n’empêche pas de leur faire subir des discriminations.

II- la naissance de la figure du travailleur immigré et la loi de 1889 sur la nationalité

Dans le premier XIXe siècle l'accueil des étrangers concerne un petit nombre – autour de 20 000 au milieu du siècle (réfugiés subventionnés en 1837 : 5282 Polonais, 870 Espagnols, 568 Italiens, 14 Allemands) poursuivis pour des raisons politiques dans leur pays et qui viennent chercher la liberté de penser, d’agir et de créer. En 1832 la Chambre s ‘interroge sur la distinction qui existe entre réfugié et étranger. Mais il y a aussi des étrangers pour faire des affaires ou développer des fabriques dans le textile, la métallurgie, et aussi des ouvriers qualifiés, ce qu’on appelle « l’aristocratie ouvrière », qui apportent leur savoir-faire ( Allemands, Anglais ou Suisses).

On compte les étrangers pour la première fois au recensement de 1851 et ils ont 350 000, 800 000 en 1876, 1 million en 1881, soit 3% de la population française.

Au milieu du XIXe, les Belges sont les plus nombreux et le restent jusqu’en 1901. Puis viennent les Italiens vers (en réalité d’abord les Piémontais pour la construction des chemins de fer), puis dans divers métiers surtout du bâtiment et les Piémontaises dans l’industrie de la soie. Ils représentent un quart de la population de Marseille au début du XXe siècle. Les garçons à partir de 11 ans sont employés dans les verreries du bassin de Rive-de-Gier. Tous font des aller retour incessants entre pays de départ et pays d’accueil : en 1911 400 000 Italiens sont présents, mais 1,8 millions sont venus pour les besoins du marché du travail, mais aussi par le biais des des fratries et cousinages, développant des solidarités familiales et collectives. Les réseaux familiaux, communautés de compatriotes regroupés par quartiers ou ilots, représentent un sas d’acclimatation qui permet de ne pas rompre avec le pays natal. Il y a aussi des sous-entrepreneurs qui organisent à leur profit la venue de groupes de travailleurs.

La patrie humiliée après la guerre de 1870 et la défaite provoquent une haine et un mépris de l’étranger : haine du Prussien d’abord, mais aussi – séculaire – de l’Anglais ; et aussi des Italiens paresseux, malhonnêtes etc. Le journal des Guesdistes, ancêtre du parti socialiste, Le Cri du peuple, qualifie les Italiens surnommés les « Christos » de « tristes brutes aveuglées de catholicisme ». Une xénophobie galopante gagne tous les milieux y compris envers ceux considérés comme les ennemis de l ‘intérieur, les Juifs « cosmopolites et apatrides ».

Les juifs, émancipés depuis 1791 avec la révolution française, acculturés, patriotes, doivent face faire à la fin du XIXe au regain de l’antijudaïsme (religieux) devenu antisémitisme (racial) dans le contexte de l'ébranlement du monde rural et catholique et la résistance du monde traditionnel au développement industriel, de l'établissement difficile de la république laïque contre les forces sociales liées à l’Église catholique, des doctrines socialistes combattant le capitalisme et l’argent, la dynastie Rothschild incarnant la finance internationale, de la force des nationalismes européens et de l'invention prétendument « scientifique » des races.

Le Krach de l’Union générale en 1882 est attribué à la finance juive. Édouard Drumont fait la synthèse du courant socialiste et du courant catholique dans La France juive (2900 pages, six volumes entre 1886 et 1892; le chapitre 6 associe francs-maçons, protestants et juifs) et dans son quotidien La libre parole (200 000 exemplaires). Les campagnes antisémites publiques commencent à La Croix (journal catholique) à partir de 1886, et se développent à partir de 1889 avec l’Affaire Dreyfus. Elles entretiennent les fantasmes du juif allemand et du juif anglais, d’une « bande de juifs et de francs-maçons venus de l’étranger ».

L'hostilité du monde ouvrier vis à vis des étrangers est ancienne, fondée sur la concurrence dans le travail : elle apparaît dès la fin de l’Empire dans le textile, mais surtout en 1848 avec la crise et la contraction de l’emploi contre les Belges dans le nord, et aussi à Paris. Elle redouble avec la grande dépression entre 1873 et 1896. En témoignent, par exemple les émeutes d'Aigues-Mortes contre les Italiens qui font neuf morts officiellement et de nombreux blessés en 1893 et de la Mure en 1901 (la mairie socialiste et le syndicat avaient demandé le remplacement des italiens par les grévistes de Montceau-les-Mines : « chasse aux ours » (surnom des Italiens), maisons brûlées,..

C'est dans le contexte de La nationalisation en profondeur de la société française, et de l'intervention massive de l’État dans la vie économique et sociale, qu'a lieu la discussion d’une loi sur la nationalité, pour pallier le déficit démographique. La loi de 1889 traduit la nécessité de renoncer au jus sanguinis et de revenir au jus soli, position soutenue par le grand patronat (besoin de main d ‘œuvre), les élus des régions ouvrières (contre la concurrence étrangère) et les militaires (pour reconstruire une armée puissante). La loi prévoit une naturalisation à deux vitesses (pas d’éligibilité pendant dix ans). Pour protéger le marché national, toutes les lois sociales de la Troisième République sont réservées aux nationaux et plusieurs professions sont interdites aux étrangers ou établissent des quotas. La loi de 1889 peut être considérée comme un tournant : elle institutionnalise le droit républicain en instaurant le droit du sol. Elle est accompagnée de procédures policières d’identification nationale avec des fiches individuelles liées à l’anthropologie physique (Bertillon et ses photographies de face et de profil avec caractéristiques physiques, « le bertillonnage ») accompagnées des empreintes digitales.

La guerre de 1914-1918 achève le processus de nationalisation de la société française. Les émigrés venant de pays ennemis sont parqués dans des « camps de concentration », y compris les Alsaciens-lorrains du sud de l’Alsace libéré dès septembre 1914 et les femmes mariées à un étranger. Après le certificat d’immatriculation des étrangers en mairie en 1893, le carnet anthropométrique pour les nomades et tsiganes en 1912, la carte d’identité pour les étrangers devient obligatoire à partir du décret du 2 avril 1917.

III –Le cosmopolitisme de l’entre deux guerres : droit d’asile et statut de réfugié

Dans une France à reconstruire, démographiquement affaiblie par les nombreux morts de la Grande guerre, l’immigration s’avère plus que jamais nécessaire. L’État prend en charge le recrutement collectif avant de le partager avec le secteur privé. Les compagnies charbonnières et maîtres de forges créent en 1924 la Société Générale d'Immigration (missions dans les pays fournisseurs de main d’œuvre; installation dans des camps de transit au départ et acheminement vers les régions industrielles). Les entrées passent aussi par des filières individuelles et clandestines, les pouvoirs publics régularisant après-coup. En revanche, l’État continue à assurer seul la surveillance des étrangers. Dans le même temps, arrivent des exilés et des réfugiés : certains bénéficient d’un statut adopté par la Société des Nations (SDN) qui offre une garantie à certaines minorités nationales, mais tergiverse sur le cas des Arméniens (génocide en Turquie à partir de 1915) entre 1920 et 1923.

En 1931, la France compte 2,9 millions d’étrangers (soit 7% de la population) : elle est le premier pays d’immigration au monde avant les États-Unis.

Le parti communiste français pousse à l’intégration des étrangers avec les groupes de langues, y compris avec le syndicat CGTU (Italiens en Lorraine, Polonais dans le nord) mais pas partout : en septembre 1924 les dockers du syndicat unitaire marseillais hurlent « les bicots à La Joliette ».

On observe un recul en 1928-1930 après les premiers effets de la crise. La France rend obligatoire une carte de travail pour étrangers. Les gouvernements étrangers surveillent leurs ressortissants (en particulier Mussolini et son gouvernement fasciste depuis 1925 qui utilise les associations culturelles ; On note des tentations séparatistes chez les Arméniens mal accueillis dans le sud-est.

Refugiés politiques

L'ampleur du nombre de réfugiés caractérise les années qui suivent la Première Guerre mondiale (deux millions de Russes déchus de leur nationalité après la révolution de 1917, les antifascistes italiens et les juifs allemands et autrichiens à partir de 1933).

Depuis 1921, et grâce notamment à l'action du Norvégien Fritjhof Nansen, des hauts commissariats de la Société des nations se spécialisent dans accueil de groupes de réfugiés d’origine bien déterminée - russe puis arménienne avec le « passeport Nansen ». Puis, parce qu’il devient évident que les réfugiés ne pourront pas rentrer chez eux, se pose la question du droit d’asile. La convention de Genève de 1933 (modèle pour les conventions ultérieures) est la première étape de la définition du réfugié « une personne qui ne jouit plus de la protection de son pays », définition fondée non sur la nationalité mais sur l’origine nationale, mais elle repose encore sur l’énumération de groupes bien définis.

Avec la crise des années 1930, revient une xénophobie multiforme qui se marque par la protection du marché national de l’emploi et l’interdiction de certaines professions (artisans et commerçants) aux étrangers. Le Président du Conseil Camille Chautemps déclare en janvier 1934 : « La France veut bien être une voie de triage, mais pas une voie de garage ». Dès 1934 des exilés en provenance d’Allemagne sont renvoyés dans leur pays d’origine.

Le Front populaire en 1936 établit pour la première fois une distinction entre immigré économique et réfugié, le second - à l’inverse du premier - ayant accès sans limite au marché du travail et ne pouvant être expulsé vers son pays origine. La Convention de Genève de 1933 est ratifiée en 1936 par la France mais avec des restrictions (loi de 1932 sur la protection du travail national).

Les égoïsmes nationaux entrainent la fermeture progressive des frontières alors que les annexions territoriales se multiplient, augmentant le flot des réfugiés.

Le décret loi du 2 mai 1938 assigne les exilés à résidence. Loi de 1927 avait porté de trois à cinq ans le délai avant la naturalisation complète (avec exclusion du droit de vote) .

Depuis les années 1930 de nombreuses associations viennent en aide aux réfugiés russes, arméniens, autrichiens juifs et espagnols dans les milieux chrétiens et/ou politiques essentiellement (le PCF pour les réfugiés espagnols à partir de 1936, la Ligue internationale contre l’antisémitisme, la Ligue des droits de l'homme). En 1938 une conférence internationale pour le droit d’asile légitime « la crainte de la persécution », ce qui évite la tactique du « coup par coup » employée jusque là. La CIMADE est créée en 1939. À cette date il y aurait 550 000 réfugiés (dont 350 000 Espagnols).

IV- Après la Seconde Guerre mondiale : droit d’asile et code de la nationalité

La fin de la deuxième guerre mondiale provoque un tournant dans le droit d’asile : 30 millions de personnes déplacées.

L'ONU fonde en décembre 1946 et l'organisation internationale des réfugiés est créée par l’ONU en décembre 1946 ainsi qu’en 1950 un Haut Commissariat aux réfugiés qui gère le transport de deux millions de personnes déplacées en Europe.

Alors que l'URSS et les pays d’Europe de l’Est refusent d’accorder le statut de réfugié à ceux qui s’opposent à leur gouvernement, les Britanniques ont une conception plus universaliste des réfugiés. Les non-européens (juifs d’Afrique du nord, asiatiques), des personnes déplacées « rapatriables » (position de l’URSS et de la France), les « collaborateurs » et les « criminels de guerre », les Allemands (sauf les juifs) sont privés de la protection de l’Organisation internationale des réfugiés. Un noyau résiduel de réfugiés a été parqué pendant 10-15 ans dans des camps après la Seconde Guerre mondiale (200 000 en 1949).

La Convention internationale de 1951 est ratifiée par la France en 1954 avec des restrictions (limitée aux Européens, avant 1951 et réfugiés soumis au droit des étrangers). La France s’oppose à toute extension de la protection internationale… jusqu’à l’indépendance de ses colonies au moins ! C’est seulement par le protocole de New York de janvier 1967, publié en avril 1971 que toutes les restrictions de date et de lieu d’origine sont levées, mais avec une qualification individuelle des ayant droits dite « procédure d’éligibilité »

La gestion des demandes est prise en main par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides OFPRA (25 juillet 1952) et la Commission des recours des réfugiés créés à cet effet. De plus en plus s'installe un contrôle policier pour débusquer les « faux réfugiés » : ce sont les Renseignements généraux qui s’occupent des Espagnols en en refoulant un certain nombre (1/4 des 11 000 en 1949 non reconnus comme réfugiés) ou en les assignant à résidence en Corse ou en Algérie (pour les militants). Progressivement par le contrôle bureaucratique, tout est fait pour éliminer les demandes qui ne s’inscrivent pas dans la forme prévue par la loi. Le demandeur d’asile doit faire la preuve écrite de sa persécution ; les demandes mal rédigées en français sont refusées. Il faut pouvoir administrer la preuve des persécutions.

Pour l’immigration, le Code de la nationalité française du 19 X 1945 et une seconde ordonnance sur les conditions d’entrée et de séjour des étrangers le 2 XI 1945 mettent en place une législation unique ; mais subsiste une continuité administrative avec le gouvernement de Vichy par le personnel et les pratiques, due en partie à l'influence de Georges Mauco, défenseur d’une hiérarchie des ethnies dites « assimilables ». Dans la hiérarchie des groupes dit « assimilables », l’immigration italienne occupe la seconde place derrière l’immigration nordique (pas tous les Italiens, les Italiens du nord, ceux du sud sont envoyés d’abord dans les mines, alors que les Algériens qui ont le droit comme Français de se déplacer librement sont stigmatisés). De plus on cible une immigration familiale et on favorise le regroupement familial des familles italiennes dès 1947, d’où les allocations familiales données aussi aux familles étrangères (mais pas aux familles restées en Algérie dont le père travaille dans l’hexagone, car venant de « départements français »). Les deux piliers de la politique migratoire sont donc assimilationisme et familialisme. Le conflit entre une conception ethnocentrée et une vision égalitaire traverse l'histoire de la mise en oeuvre de la politique française de l'immigration (selon les responsables et les individus)

Au plan intérieur, la protection du travail national mise en place dès la fin du XIXe siècle, approfondie sous Vichy est poursuivie à la Libération (malgré l’opposition du patronat qui veut se servir des immigrés choisis comme d’un « volant d’ajustement ». (ex statut général des fonctionnaires de 1946, mais aussi médecins, dentistes, infirmières, magistrats). Pour les étrangers on établit une distinction aussi entre résident temporaire (un an), résident ordinaire (trois ans) et résident privilégié (dix ans). Un Office national de l’immigration est est créé, Il a le monopole du recrutement des étrangers et de leur famille avec un contrat de travail, et est financé par le montant de la redevance payée par les immigrés et les entreprises. Entre 1945 et 1975 le nombre d’étrangers a été doublé : 3,4 millions en 1975 (première nationalité les Portugais, puis les Algériens). L’État français organise l’immigration entre 1945 et 1973 puis après 1974 ferme les frontières.

Après la deuxième guerre mondiale, persiste la contradiction héritée de la Révolution Française, entre respect des « droits de l’homme » et défense des intérêts des citoyens et de la nation.

V- Le tournant de 1974 et les débats des années post 1981

Le code de la nationalité est toujours en vigueur mais des décrets et circulaires modifient la donne comme celle de 1974 qui suspend l’immigration (à l’exception du regroupement des familles).

La lecture des statistiques après juillet 1974 montre que la catégorie la plus touchée par la décision de l’arrêt est celle des travailleurs non qualifiés n’appartenant pas une à nationalité d’un État membre de l'Union Européenne ; leur nombre est passé de 132 000 en 1973, ensuite à environ 25 000 vingt ans plus tard. Il faut aller contre l’idée reçue et partagée de l'augmentation des flux de l’immigration familiale après 1974 ; elle était avant 1974 comprise entre 75 000 à 85 000 personnes par an. Les chiffres furent ensuite de 56 000 en 1975, et 49 000 en 1980. Dix ans plus tard 35 000 personnes entrent chaque année.

Restent les demandeurs d’asile: leur nombre a augmenté de quelques milliers en 1974 à 60 000 en 1989. Mais constatons la relative efficacité de l’État français à faire diminuer ces chiffres : entre 1989 et 1993 le nombre de demandes asile est passé de 60 000 à 28 000. Le nombre d’étrangers autorisés à s’installer en France a été divisé par trois. (300 000 par an au début des années 1970 à 100 000 en 1988).

Le FAS (Fonds d’action sociale pour les travailleurs émigrés et leur famille) créé en 1958 et la SONACOTRA (Société nationale de construction de logements de travailleurs immigrés) ont été conçus au départ pour favoriser le maintien en Algérie des familles des ouvriers venus travailler en métropole. Mais on comprend bien alors que pour ceux qui fondaient le droit à l’immigration familiale sur des exigences d’origine nationale, la poursuite après l'arrêt de l'immigration de travailleurs en 1974 d’une immigration de familles aux origines indésirables ait pu apparaître comme un effet pervers.

Les ordinateurs sont plus efficaces que les contrôles physiques aux frontières. Le ralentissement de l’activité économique en 1971, provoque début 1972 la circulaire Marcellin (24 janvier, ministre de l’Intérieur) et la circulaire Fontanet (23 février, ministre duTravail) avec, en préfecture, un «guichet unique» carte de travail et carte de séjour. Puis en 1975 trois cartes : A – carte temporaire de travail valable 1 an ; B - carte ordinaire valable trois ans; C - carte de dix ans. .La «carrière de papier» désigne l’ensemble des statuts acquis par l’étranger au cours de son séjour. Elle relève d’une redéfinition permanente du statut de l’étranger au cours du temps, déterminée par les décisions de l’administration et par les changements de stratégie individuelle qu’elles ont suscités.

Apparaît ici la figure du « clandestin », le nombre de régularisations s’effondrant et la régularisation devenant exceptionnelle. La police de l’air et des frontières se concentre sur l’immigration et vérifie soigneusement ceux venus d’Afrique qui se présentent comme « étudiants ». De la loi Bonnet en 1980 (politique du retour) à la loi Sarkozy de 2003, le code de la nationalité de 1945 a été modifié plus de vingt fois, montrant que c’est le pouvoir politique et moins l’administration qui est le centre de gravité de la politique d’immigration et d’accueil.

Font exception à la maîtrise des flux les demandeurs d’asile, les réfugiés, conjoints de Français et travailleurs très qualifiés avec certaines nationalités d’Asie (lien avec la fin de la guerre du Vietnam en 1875). Le débat se focalise sur les « faux réfugiés » qui ne seraient pas victimes des persécutions politiques. Le nombre des réfugiés accueillis chaque année n’a cessé de régresser sous le second septennat de Mitterrand : 9 000 en 1988, 3 200 en 1995 (nécessité de fournir « les preuves irréfutables des sévices »). Cependant la loi du 17 juillet 1984 entérine la promesse de Mitterrand de décembre 1983 après la Marche de l’égalité contre le racisme. Elle supprime la double carte séjour/travail et institue une carte de dix ans qui donne l’autorisation d’exercer la profession de son choix sans autorisation. Elle fait une séparation nette entre les immigrés installés qu’on doit intégrer et les étrangers en situation irrégulière qui doivent être éloignés du territoire.

La politisation de l’immigration est venue aussi des luttes des immigrés eux-mêmes, des associations comme le GISTI qui engagent des contentieux juridiques, de la médiatisation aussi des questions d’immigration

Une première depuis 1889, avec les Lois Pasqua, dont celle de 1993 qui a joué un rôle important pour les jeunes qui n’acquièrent plus automatiquement la nationalité française à leur majorité ( limitation du jus soli. ). Ils sont soumis à une déclaration préalable indispensable entre 16 et 18 ans et ne doivent pas avoir quitté le territoire plus d’un an. Cette loi a été supprimée par la loi Guigou du 16 mars 1998.

Un mouvement des sans-papiers se développe en 1996, soutenus par un certain nombre de cinéastes et d’intellectuels. Un livre collectif en 1997 dont le titre est éloquent : Les lois de l’inhospitalité : les politiques de l’immigration à l’épreuve des sans-papiers.

Les Trente dernières années : le changement

Avec la fin de l’immigration traditionnelle d’Italie, d’Espagne ou du Portugal, l’immigration est devenue extra-européenne et très liée aux anciennes colonies (Maghreb, Afrique subsaharienne francophone, Indochine). Les migrants venus du Maghreb sont particulièrement discriminés dans une xénophobie ambiante en hausse dans les années 1980 (succès électoraux du Front national à partir de 1983 et reprise dans le langage commun des éléments de son programme), parallèlement au développement d’un chômage de masse. Un rejet spécifique concerne les Algériens pour « un passé qui ne passe pas ».

Mais aussi des éléments plus généraux,

  • la mondialisation de la culture (rôle des médias de masse) ;
  • la globalisation de l’économie et la diminution du rôle des frontières, mais parallèlement de nouvelles frontières administratives et policières, comme celles de la Communauté européenne (espace Schengen) ;
  • l'affaiblissement de l’échelon national au profit de l’Europe avec pour conséquences un repli national, et un rejet des exilés, des proscrits, des sans-papiers ;
  • la transformation des valeurs traditionnelles et des rapports de couple (le mariage, le divorce) ;
  • l’exaltation de l’identité nationale par différents gouvernements,

entraînent des crispations identitaires et religieuses face à ces profondes mutations.

Michelle Zancarini-Fournel, historienne.

Intervention du 5 novembre 2015, à Lyon, mairie du 1er arrondissement

Conférence – débat « La réforme du droit des étrangers : quels droits pour les migrants ?»

Bibliographie indicative :

Richard Ayoun, Les Juifs de France. De l’émancipation à m’intégration (1787-1812), L’Harmattan, 1997.

Laurent Dornel, La France hostile. Socio-histoire de la xénophobie (1870-1914), Hachette, 2004.

Yves Lequin (dir.), La mosaïque France. Histoire des étrangers et de l’immigration, Larousse, 1988, (2ème édition en poche).

Gérard Noiriel, Réfugiés et sans papiers. La République face au droit d’asile (XIXe-XXe siècle),Hachette, Pluriel, 1998.

Alexis Spire, Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration de 1945 à 1975, Grasset, 2005.

Vincent Viet, Histoire des Français venus d’ailleurs de 1859 à nos jours, Perrin, Tempus, 2004.

Patrick Weil, La France et ses étrangers. Politique de l’immigration de 1938 à nos jours, Gallimard, Folio, 1991.

16 décembre 2014 2 16 /12 /décembre /2014 07:58

Vous pouvez écouter cet interview en suivant ce lien:

https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=D24zAKZ6Otc

16 décembre 2014 2 16 /12 /décembre /2014 07:45

Dans une tribune parue dans Libération du 2 décembre, Bernard Cazeneuve, Ministre de l’Intérieur, réaffirme la place du droit d’asile, comme «valeur fondamentale de la République ». Nous nous réjouissons de lire ce rappel sous la plume du ministre de tutelle de ce domaine. Monsieur Cazeneuve évoque ensuite deux carences de notre système : la lenteur des procédures et l’inadaptation de l’accueil, notamment en matière d’hébergement. Il développe enfin les trois objectifs auxquels le projet de loi qui sera discuté à compter du 9 décembre doit répondre :

  • - « réduire à 9 mois la durée moyenne d’examen » contre 24 mois actuellement

  • - améliorer l’accueil et l’hébergement

  • - renforcer les droits des demandeurs d’asile

    Trois objectifs qui dans leur énoncé ne peuvent que faire consensus auprès des défenseurs d’un droit d’asile fort, garant de notre État de droit.

    Qu’en est-il dans les dispositions du projet de loi ?

- réduire les délais moyen d’examen
Le temps devient dans notre société une richesse, il faut aller toujours plus vite pour être toujours plus rentable. « L'accélération du temps est d'ailleurs un modèle de la participation à l'hypermodernité du monde et, lorsque tout s'emballe, l'on peut penser que notre capacité à la décélération devient vitale. » comme l'écrit Michel Agier1. Il n’est pas souhaitable que les procédures d’asile s’éternisent, car le temps d’attente est, comme le soulignait Monsieur Cazeneuve, un temps d’inquiétude. Pour autant, le temps nécessaire doit être laissé aux demandeurs pour pouvoir dire ce qui souvent est innommable. En cela, le temps de la parole ne peut pas faire l’économie du temps du soin et c’est la raison pour laquelle nous avons proposé un amendement permettant un réexamen des demandes d’asile rejetées dès lors que l’état de santé du demandeur ne lui permettait pas, à son arrivée, de raconter son histoire. De même, le temps de la pensée et de la collégialité doivent être laissé aux magistrats de la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) pour garantir un examen juste et respectueux des demandes d’asile. Pour respecter également le travail d'hommes et de femmes qui sont soumis chaque jour à l'écoute d'un nombre important de récits, écoute dont on ne peut sortir totalement indemne. Le projet de loi multiplie les audiences à juge unique, contre 3 juges actuellement. Cette mesure augmentera la « rentabilité » et diminuera peut-être les délais, mais cela sera au détriment du droit d’asile, et donc, pour reprendre les propos de M. Cazeneuve, au détriment de la République.

- Améliorer l’accueil et l’hébergement
Oui, l’inégalité actuelle entre les demandeurs d’asile hébergés en CADA (centre d’accueil des demandeurs d’asile) et ceux qui sont en foyer d’urgence ou à la rue n’est pas acceptable. Nous ne pouvons qu’approuver là encore la création de nouvelles places d’hébergement en CADA. Nous sommes plus sceptiques en

1 In La condition cosmopolite, Ed. La Découverte, 2013

revanche sur la mesure qui consiste à « assigner à résidence » dans une zone géographique des demandeurs d’asile, et à déléguer aux travailleurs sociaux des CADA le rôle de « contrôleur des libertés » de leurs locataires. Si l’un d’entre nous devait demain chercher asile dans un pays éloigné, il y a fort à parier qu’il prioriserait l’installation dans une métropole, parce que ce serait là ses seuls repères (qui peut aujourd’hui citer des villes moyennes d’Angola en plus de la capitale du pays ?), parce que la métropole offre des réseaux de solidarités associatives, des compatriotes, des facilités de transports pour se rendre aux convocations de l’OFPRA et de la CNDA, ou pour renouveler son titre de séjour, et que tout cela participe aussi de la reconstruction d’un homme ou d’une femme que l’on a cherché à détruire jusqu’à le/la contraindre à l’exil. Alors oui, il faut repenser le système d’accueil, mais un système d’accueil de qualité n’a pas besoin de la contrainte pour être accepté. Les travailleurs sociaux travaillent dans les foyers aux côtés des juristes et c’est la confiance ténue qui s’installe jour après jour qui va libérer la parole du demandeur d’asile. Faire du foyer le bras armé du contrôle administratif entache ce lien de confiance et nous fait courir le risque d’une parole tue, qui conduira peut- être à une décision de rejet, faute d’explications suffisantes. Rejeter à tort une demande d’asile, c’est renvoyer vers la torture, la mort, un homme ou une femme qui a déjà tout perdu pour sauver sa vie.

- Renforcer les droits des demandeurs d’asile
Renforcer les droits des demandeurs d’asile c’est affirmer dans la loi que « le droit d’asile c’est la république ». C’est affirmer et défendre l’idée que le temps et la rentabilité ne sauraient être les variables d’ajustement d’une politique d’asile digne de ce nom. C’est accorder un huis clos de plein droit pour les audiences devant la CNDA lorsque le demandeur le souhaite. C'est maintenir des audiences collégiales devant la CNDA. C’est rappeler enfin aux citoyens de France que si la France a enregistré 66000 demandes d’asile l’année dernière, seules 46000 étaient des premières demandes, et que cela ne représente que 0,7 demandeurs d’asile pour 1000 habitants. Forts de ce chiffre nous pouvons clamer que « le droit d’asile c’est la république » et que la République a et se donne les moyens d’un accueil digne, respectueux des demandeurs d’asile et de la présomption de légitimité qui doit entourer l’examen de leur demande.

Dr Valérie CADIOU, médecin, co-fondatrice de l’association PasserElles Buissonnières
Laure CHEBBAH-MALICET, Présidente de l’association PasserElles Buissonnières Françoise CROZAT, Psychologue

Me Delphine DELBES, Avocate au Barreau de Lyon
Me Marie-Noëlle FRERY, Avocate au Barreau de Lyon
Dr Jean FURTOS, psychiatre, fondateur et ancien directeur scientifique de l’ONSMP (Observatoire National des pratiques en Santé Mentale et Précarité)
Marion HUISSOUD-GACHET, juriste, co-fondatrice de l’association PasserElles Buissonnières
Joëlle SAUNIER, Présidente du réseau Tiberius Claudius pour la défense du droit des étrangers
Dr Georgette VICARD, médecin psychiatre

17 octobre 2014 5 17 /10 /octobre /2014 14:07

A la rentrée, l’Assemblée Nationale doit discuter un projet de loi réformant le droit d’asile. Outre la transposition de directives européennes, ce texte vise avant tout à réduire les délais d’examen des demandes pour fluidifier un système d’hébergement insuffisant et donc saturé.
Il y a là un vrai danger pour celles et ceux qui ont subi des tortures ou des sévices graves et qui ne pourront dans les délais prévus raconter leur histoire.
Deux associations lyonnaises, PasserElles Buissonnières (www.passerellesbuissonnieres.org) et Tiberius Claudius (association qui finance des actions en justice en vue de faire progresser le droit des étrangers) ont réuni un groupe d’experts afin d’élaborer des propositions. Ce groupe était composé de : Dr Jean Furtos et Pyët Vicard, médecins psychiatres, Dr Valérie Cadiou, médecin généraliste, Françoise Crozat psychologue psychanalyste, Maîtres Marie-Noëlle Frery et Delphine Delbès, avocates au Barreau de Lyon, et Marion Huissoud-Gachet, juriste.
La directive européenne dite “procédure” renvoie au protocole d’Istanbul (manuel pour enquêter auprès des personnes victimes de torture et de viols), qui date de 1999 mais est malheureusement méconnu.
Le projet de loi ne prend pas assez en compte la situation des personnes dites vulnérables du fait de ce qu’elles ont vécu.
Si demain le projet de loi est adopté en l’état, de nombreuses personnes risquent de voir leur demande d’asile rejetée. Elles viendront grossir les rangs de sans-papiers difficilement expulsables souvent parce qu’ils viennent de pays en guerre ou en crise, ou parce que les consulats de leur Etat d’origine ne les reconnaissent pas. Par des décisions prises en notre nom, ils deviendront des Hommes sans droit. D’autres demanderont à être régularisés au vue de leur état de santé (état résultant souvent des mauvais traitements) : ils obtiendront peut-être un titre de séjour d’une année, qui ne sera renouvelé que s’ils sont encore “malades”. Quand la maladie est le résultat des mauvais traitements, le premier des soins est la reconnaissance du “statut” de victime. La conduite des soins nécessite en outre une stabilité administrative qui n’existe pas avec la régularisation comme “étranger malade”.
Nous vous proposons de signer le texte d’appel ci-joint qui viendra appuyer la proposition de deux amendements qui sera transmise aux parlementaires dès que le projet de loi sera inscrit à l’agenda de l’Assemblée :
possibilité de déposer une demande de réexamen de sa demande d’asile si l’état de santé de la personne ne lui a pas permis d’évoquer les faits qui l’ont conduit à l’exil lors du premier examen
accord automatique du huis clos (actuellement à la discrétion du président d’audience) lorsque la personne le demande devant la Cour Nationale du Doit d’Asile (CNDA)
Vous pouvez également visualiser et diffuser la vidéo ci-joint : regarder la video

 

1 août 2014 5 01 /08 /août /2014 09:55

Tibérius Claudius
4 place Chazette 69001 Lyon  tiberius.claudius.over-blog.com
Agir en justice pour défendre le droit des étrangers
LETTRE N°28  Janvier 2014

Toujours et encore le droit d’asile sur la sellette.

 

L’Europe vient de publier quatre directives sur l’asile : « accueil », « qualifications », « procédures », et « résidents de longue durée », directives qui devront être traduites dans les textes de lois des États membres de l’Union.

Pour, entre autre objectif, préparer ce travail, à la demande du ministre de l’intérieur, un rapport parlementaire vient de lui être remis.

Les associations qui ont été consultées pour contribuer à l’élaboration du rapport ont réagi à sa parution de manière convenue : elles prennent note des moyens supplémentaires préconisés pour la logistique, l’hébergement, les soins et annoncent leur refus de gérer des centres pour déboutés du droit d’asile en attente d’expulsion. Dont acte.

Mais rien ou presque rien sur la manière dont l’obligation fixée par la directive européenne « procédures » de réduire à 6 mois le délai de réponse, exceptionnellement à 9 mois, encore plus exceptionnellement à 21 mois (incertitude sur la situation dans le pays d’origine du demandeur d’asile) est interprétée ou exploitée par les auteurs du rapport.  Ils peuvent ainsi se permettre d’écrire : « Dans un contexte où il est essentiel d’accélérer les délais de procédure, est-il nécessaire de laisser 15 ou 21 jours pour transmettre le récit, d’autant que la phase de l’entretien individuel, généralisé, constitue le moment de l’examen ? »

La raison d’être de Tibérius Claudius est de proclamer que les étrangers et singulièrement les demandeurs d’asile sont des sujets de droit et non des objets, éléments constitutifs de flux humains à répertorier, soigner, abriter.

 

Ainsi, l’objectif principal annoncé dans le rapport est de fluidifier le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile, le fonctionnement entre les préfectures et l’Ofpra. Le rapport semble ignorer une des causes principales du dysfonctionnement actuel : l’Ofpra délivre le tiers des statuts de réfugiés, les deux autres l’étant, sur recours, par la CNDA. Pourquoi ? Le délai laissé pour établir et argumenter une demande d’asile est de 21 jours. Tibérius Claudius et les avocats qu’il a soutenus ont apporté les preuves que l’aide au récit de chaque réfugié était déterminante pour l’obtention du statut. Les demandeurs sont loin de tous correspondre au cliché du réfugié militant politique persécuté par l’État de son pays et pouvant relater, sans trop de difficulté, son parcours et fournir des preuves des dangers encourus ; d’ailleurs, même à celui ci, il sera très utile d’être diplômé de droit international et d’avoir une maîtrise minimum du français pour être sûr d’obtenir le statut à l’Ofpra.

Les demandes sont aussi déposées par une mère qui craint que ses filles ne soient excisées  (affaire N°12 en1996), par un afghan qui a combattu et est recherché par un groupe de talibans (affaires N° 157, 2009), par un couple palestinien échoué avec 3OO irakiens sur la plage de Fréjus (affaire 49 en 2000), par un policier algérien ne pouvant plus vivre sous la menace des membres du GIA (affaires N°1 en 1995) autant de parcours singuliers, terribles à raconter et à mettre en forme, pour certains inracontables sans risquer de perdre la face (trahison, viol, homosexualité…) (affaires 89 en 2004, 117 en 2006) par exemple). L’Ofpra, instruit, convoque, vérifie, c’est son rôle. Ne lui confions surtout pas la constitution des dossiers. Ainsi les souhaits de Tibérius sont :

 

1° Que l’aide à l’élaboration et à la constitution des dossiers de demande d’asile soit confiée aux associations de conseil aux réfugiés, reconnues et financées pour ce travail délicat, difficile et long qui demande, outre des compétences relationnelles, de précises connaissances géopolitiques des pays de départ. Car la situation est très dégradée : liquidation du Service social d’aide aux étrangers, Ssae, en 2006, attaques gouvernementales contre la Cimade qui en est sortie affaiblie. Rappelons-nous qu’en 2005, un chargé d’aide en centre d’accueil pour demandeurs d’asile établissait en moyenne 2 récits par semaine, alors qu’aujourd’hui ce sont 2 par jour, voir plus ; il n’y a pas lieu de s’étonner des rejets par l’Ofpra de demandes peu convaincantes car faites rapidement et stéréotypées.

 

2° Que le délai laissé pour communiquer son récit de demande d’asile à l’Ofpra soit porté à 3 mois. L’Ofpra disposera des trois autres mois pour entendre le demandeur et statuer ; en cas de rejet, la CNDA retrouve sa place de juridiction d’appel avec une aide judiciaire plus conséquente, au lieu de la prévoir dès le départ pour tous, comme le laisse entendre le rapport.

 

Il est donc à craindre qu’en cas d’intégration des préconisations de ce rapport par l’Assemblée nationale, les contentieux devant les tribunaux, loin de se raréfier, ne se multiplient encore.

 

NOUVELLES AFFAIRES

 

Deux affaires contre les arrangements pratiqués par l’administration française :

 

Affaire n° 167- M. et Mme A, Kosovare

 

Le couple, de nationalité kosovare et d’origine albanaise est arrivé en France en Mars 2010. Ils avaient été menacés par des membres de la famille de Mme A, musulmans très conservateurs, opposés à leur union. Après le rejet de leur demande d’asile par la Cour Nationale du Droit d’Asile, le 2 Décembre 2010, ils retournent au Kosovo. Les membres de la famille de M. A sont alors victimes de menaces réitérées.

 

Le couple, craignant de rester au Kosovo où ils ne peuvent bénéficier d’une protection effective sollicitée auprès des autorités à plusieurs reprises, revient en France au printemps 2011 et dépose une nouvelle demande d’asile auprès de l’OFPRA qui la rejette en Septembre 2011. Tibérius mandate Me M.N Fréry qui prend alors le dossier en charge et le présente devant la Cour Nationale du Droit d’Asile. En mars 2012, celle-ci annule la décision de rejet de l’OFPRA de Septembre 2011, accorde la protection subsidiaire de « type 2 » à M. et Mme A et propose la délivrance d’une carte de séjour temporaire avec la mention « vie privée et familiale ».

 

En date du 12 Juin 2013, l’OFPRA accorde le bénéfice de la protection subsidiaire de « type 1 » aux époux et va leur délivrer des documents d’état-civil nécessaires pour établir leurs cartes de séjour avec mention « vie privée et familiale ». NB : Après recherches, il s’avère que la distinction entre les protections subsidiaires de « type 1 » et de « type 2 » n’existe pas dans la loi et n’a de fait été invoquée par l’administration que dans une circulaire en date du 22 Avril 2005. Autant dire que la circulaire est hors la loi ?

 

Affaire 168 -  Mme N D, guinéenne

La CNDA avait accordé à Mme N.D, guinéenne, la protection subsidiaire le 8 octobre 2009.

Le 24 septembre 2013 alors qu’elle venait pour le renouvellement de sa carte de séjour « vie privée et familiale » Mme est arrêtée au guichet, mise en garde à vue, sa carte de séjour et son passeport retirés. Le prétexte serait que l’acte de naissance de Mme serait faux, alors que l’Ofpra avait validé son état civil ainsi que celui de ses deux filles, papiers qui plus est tous légalisés par le consulat de Guinée !

Me MN Fréry, mandaté par Tibérius Claudius, a obtenu la restitution de son titre et de ses papiers, avant d’engager une action en référé pour arrestation illégale, rétention de passeport, retrait de carte de séjour, non respect de la décision de justice de la CNDA.

 

 

Quatre affaires où les autorités étatiques n’assurent pas la sécurité de personnes et où la demande d’’asile est rejetée :

 

Affaire N° 170 -  M. Z, demandeur d'asile algérien, actif dans la lutte anti-terroriste, de 1994 à 2008, est médaillé d’honneur de la lutte antiterroriste. Depuis la période de « réconciliation », il a été régulièrement menacé. La CNDA, estimant que l’Algérie est un pays sûr et que M. Z ne fournit pas la preuve que les autorités ne lui apporteraient pas protection, a confirmé le rejet de l’Ofpra. Tibérius a mandaté Me C. Robin, en vue d’une modification de la jurisprudence à l’égard des policiers algériens menacés par les mouvements terroristes. Me Robin introduit cependant une demande de titre de séjour pour raison de santé pour M et Mme.

 

Affaire N°171 - M et Mme V. Kosovars, membres actifs de Caritas menacés par des Wahabistes ont dû quitter Pristina. Leur demande d’asile a été rejetée. Tibérius a mandaté en mai 2014 Me Céline Proust pour une demande de réexamen car des éléments nouveaux peuvent maintenant être produits.

 

Affaire N°172 - La famille R, albanaise a dû fuir l’Albanie pour éviter la réalisation des menaces de vendetta exercée contre le père et l’ensemble de la famille. L’Etat albanais, malgré les preuves évidentes de ces menaces n’apporte pas la protection nécessaire. Notons que l’Albanie a été retirée de la liste OFPRA des ≪pays surs ≫ en 2012. Les enfants sont venus les premiers en France et ont été rejoints un an plus tard par leurs parents. Tibérius a mandaté en janvier 2014 Me M.N Fréry pour reprendre l’ensemble du dossier de demande d’asile des membres de la famille R.

 

Affaire N° 173 - M. K. membre actif d’une ONG de défense des droits de l’homme à Grozny. Suite a une enquête sur la disparition d’une jeune fille, il est menace par un groupe mafieux, sans obtenir le soutien des autorités, plusieurs membres de sa famille sont assassines. La CNDA a rejeté sa demande d’asile. Me Céline Proust a été mandatée en mai 2014 pour obtenir un réexamen de sa demande.

 

 

AFFAIRES EN COURS

 

Affaire N°165 -  Défense de retraités immigrés maghrébins contre CARSAT R. Alpes

Rappel concernant les dossiers d’Allocation de Solidarité aux Personnes Agées :

L’Aspa est l’allocation complémentaire versée depuis janvier 2006 à ceux dont la retraite n’atteint pas le minimum vieillesse, soit 787,26 € maximum par mois. Depuis fin 2011, à Lyon et dans d’autres villes de France, sans doute à la suite de consignes nationales, la CARSAT mène des vérifications de passeports dans les foyers. Certains retraités maghrébins, parce qu’ils avaient séjourné plus de 6 mois dans leur pays d’origine, se sont vus retirer l’ASPA, Ces retraités ont fait l’objet d’obligations de remboursement pouvant aller de 5000 € à 13000€, sous forme de prélèvements mensuels d’office sur leur retraite, sans tenir compte du « reste à vivre », pourtant insaisissable. Exemple : prélèvement de 300 € sur une retraite de 450 €. Le tout assorti d’un signalement à la CAF qui supprime aussitôt l’allocation logement.

Tibérius Claudius s’est engagé sur cette affaire et a mandaté 5 avocats, chacun prenant en charge 5 dossiers.

Un recours est possible : La notification de la CARSAT marque la date de démarrage de la procédure. Le retraité peut demander un « recours amiable » devant la Commission des recours, dans un délai de deux mois maximum. Le recours contre la décision de trop perçu effectué dans les délais en suspend l’exécution et il n’y aura alors pas de prélèvement au moins pendant deux mois. La Commission des recours de la CARSAT a un mois pour rendre sa décision. Si le résultat est positif pour le retraité, il y aura retrait de la Notification de trop perçu. Il y a d’ailleurs eu quelques cas de reversement au retraité suite à des erreurs de calcul de la part de la CARSAT sur le montant de l’ASPA qui leur avait été versé ou sur des périodes dépassant l’année civile. Si le résultat est négatif pour le retraité, l’avocat aura 2 mois pour faire une demande d’aide juridictionnelle et saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale.

Or la plupart des dossiers confiés aux avocats sont difficiles à traiter car hors délais. S’il n’y a pas eu de demande de recours amiable dans le délai de deux mois, c’est comme si le retraité acquiesçait aux décisions de la CARSAT énoncées dans la « Notification de trop perçu ». L’avocat est alors en difficulté et ne peut plus effectuer qu’une « demande de délais de paiement », ou une « remise gracieuse ».

En effet, il s’avère que la plupart des retraités ne connaissent pas, ou mal, leur obligation de séjourner au moins 6 mois + 1 jour sur le territoire français et donc n’ont pas contrôlé, par année civile, combien de temps ils ont résidé hors de France. De ce fait, ils n’ont pas su lire ou tenir compte du courrier de notification de la CARSAT pour en regarder le motif et vérifier les délais de recours.

Une association peut faire un recours amiable pour le retraité dans les délais requis. Encore faut-il qu’il soit libellé sans conséquences préjudiciables pour lui (ex : je reconnais le principe de cette dette, mais…), et en indiquant seulement « je conteste la décision de… ».

Les avocats ont commencé d’informer les associations qui le demandent sur la nécessité pour ces retraités d’apprendre à gérer leurs allers-retours entre la France et le pays.

D’autres situations délicates avec la CARSAT émergent :

Renoncement. Un employé de la CARSAT Rhône-Alpes, suite à un entretien téléphonique avec un retraité malade et au pays, lui a envoyé une note manuscrite datée du 6 mars 2013 : « Suite à notre entretien de ce jour concernant l’attribution de l’ASPA, pouvez-vous m’adresser une lettre indiquant que vous renoncez au bénéfice de cet avantage en 2013 car vous ne pourrez résider au moins 6 mois en France compte tenu de votre état de santé ». Est-ce bien légal d’anticiper sur le temps de résidence du retraité au pays ?

La « Carte de retraité ». Cette Carte, valable 10 ans, a été proposée aux retraités maghrébins par les préfectures. Elle leur offre la possibilité de circuler entre leur pays et la France à tout moment sans visa. Mais ces retraités ne savent pas toujours qu’en optant pour cette carte de retraité, ils renoncent à toutes les prestations sociales exceptée la retraite contributive.

L’équipe d’avocats avec laquelle Tibérius travaille, composée de Me Alain Couderc, Me Delphine Delbès, Me M.-Noëlle FrÉry, Me Catherine Robin et Me Morad Zouine, s’est attelée à ces différents dossiers.

 

Affaire n° 143 - Opposition au mariage de M.F et Mme M

 En 2008, le mariage de M.F et Mme M a été empêché par l’officier d’état civil (adjointe au maire de Caluire)  qui a utilisé, le prétexte de suspicion de mariage à des fins douteuses pour, de fait, dénoncer le séjour irrégulier de madame. Celle ci a été arrêtée à deux reprises, placée en centre de rétention, monsieur étant arrêté pour aide au séjour irrégulier. Or, le mariage entre un français et une ressortissante étrangère fait partie des libertés constitutionnelles fondamentales. Alors, pourquoi l’officier d’état civil n’a-t-il pas été condamné en première instance ?

Il est en effet difficile de démontrer que :

- le système de découpage de la procédure entre actes de l’officier d’état civil, du procureur, des forces de l’ordre, du juge des libertés, du tribunal administratif, a empêché de reconnaître les injustices faites globalement à ce couple et a produit cette voie de fait, tout se passant comme si la responsabilité de l’Etat était dissoute dans la multiplicité d’actes particuliers, la plupart étant légalement ou réglementairement justifiables.

- l’État doit assumer cette voie de fait (aux sens du droit civil et du droit administratif) au lieu d’estimer que chacun des intervenants a agi selon ses compétences, en toute légalité, et que les époux doivent se satisfaire d’être aujourd’hui mariés.

Tibérius a perdu en première instance et a mandaté Me A. Couderc pour faire appel.

 

 

QUELQUES AFFAIRES CLOSES

Affaire 157 – Demande d’asile des dix Afghans dits « de Calais »

Des dix afghans arrivés à Lyon en septembre 2009 et pris en charge par la Cimade et des réseaux associatifs, sept ont maintenu leur demande d’asile ; leurs défenses ont été assurées par des avocats spécialisés dans le droit des étrangers rémunérés par Tibérius. Le dernier régularisé est Monsieur H. auquel la Cnda, en septembre 2013, a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire et une carte de séjour d’un an, donnant droit au travail. Son dossier, défendu par Me Alain Couderc, était délicat car les conditions de son départ d’une zone en guerre, ont été difficiles à établir et à justifier.

Quatre ans de prise en charge et de procédures, une longue et tenace mobilisation de militants locaux, de bénévoles qui les hébergeaient, de permanents de la Cimade, d’élus et d’avocats spécialisés ont été nécessaires pour l’heureux aboutissement de ces sept dossiers. Soulignons que cette efficacité a été rendue possible par une coordination rigoureuse de tous les intervenants, à l’inverse de la tendance actuelle qui se caractérise par la rapidité des instructions et la segmentation des dossiers, des guichets et des aides.

 

Affaire N° Affaire n°91 - Discrimination raciale

M. D, d’origine marocaine est nommé en 2002 gardien de police stagiaire à Lattes (34), suite à sa réussite à concours et à une formation où il a été jugé comme un très bon élément. Dans son service, il est soumis à des brimades racistes, voit son stage de titularisation refusé en 2003, puis est licencié. Il demande de l’aide à la Cimade qui fait appel à Tibérius.

Actions de Me Marie-Noëlle Fréry  avec l’aide de Tibérius : Février 2004, TA de Montpellier : perdu ; Mars 2005, recours sur le fond : perdu ; Saisine de la HALDE qui rend un avis défavorable à la mairie de Lattes ; Mars 2007, cour d’appel de Marseille : gagné en janvier 2008 ! La commune de Lattes doit réintégrer M. D qui, se retrouvant dans le même contexte, déprime et est contraint à un congé maladie. Fin 2010, Tibérius, devant le TA de Montpellier, conteste la décision de la mairie de Lattes de refuser la titularisation.

La mairie de Lattes se pourvoit devant le conseil d’État où Me Didier Bouthors défend notre dossier et gagne : M. D doit être réintégré, sa demande de titularisation réexaminée et percevoir une indemnité de 1500€.

Il aura fallu 9 ans de procédures pour obtenir qu’en 2013, la mairie de Lattes réintègre M. D dans sa police municipale !

 

 

Autres activités récentes de Tibérius

 

Projection du documentaire "Lungone Dromença" (Longue route - 51 minutes) produit et diffusé par Z'image, le 17 février 2014 à l’INSA de Lyon avec les étudiants des Humanités. Tibérius avait contribué à son financement en 2012.

Il s'agit de cinq "autoportraits" de femmes Roms kosovares d'âges et de milieux sociaux différents. Elles racontent avec pudeur et sans pathos, le lent processus d'exclusion de la vie économique et sociale qu'elles ont vécu ainsi que leurs parents depuis la Yougoslavie de Tito, au Kosovo indépendant.

Ce film pose avec acuité la nécessité de réviser la position de la France quant à la demande d'asile de Rroms, l'Ofpra venant de réinscrire le Kosovo dans la liste des pays dits « sûrs », après l'avoir retiré.

 

Conférence débat pour faire le point sur la réforme du droit d'asile, organisée le lundi du 2 juin 2014 par Resovigi, Tibérius Claudius, la Ligue des droits de l'homme 69 et la Cimade Rhône-Alpes.

Conférenciers : Serge Slama, Maître de conférences en droit public à l'Université Evry Val d'Essonne, chercheur au CREDOF et Marie-Noëlle Fréry avocate à Lyon, spécialiste du droit des étrangers.

 

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