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3 février 2017 5 03 /02 /février /2017 22:20

M. S, un jeune homosexuel tunisien a rencontré son compagnon il y a 8 ans, un français originaire de Tunisie, propriétaire de son appartement à Vénissieux où M. S le rejoint et où ils vivent ensemble depuis février 2014. Ce sont des gens isolés, discrets, sans réseau avec des associations. La seule personne en contact régulier avec eux est la mère du jeune français qui a décidé de les aider.

Le couple a voulu se marier, ce que le maire de Vénissieux a refusé, au prétexte que la Tunisie refuse les mariages homosexuels. Ce refus est illégal et la Cour de cassation, depuis 2004, a déjà jugé que ce type de mariage doit pouvoir être prononcé en France même si le pays d’origine l’interdit.

En mai 2016, suite à un contrôle d’identité, M. S est arrêté, placé au centre de rétention et fait l’objet d’une OQTF. Dans le cadre d’une permanence, Me Fréry rencontre le jeune homme et interpelle le juge, lequel confirme que l’OQTF est légale parce M. S est en situation irrégulière.

M. S est alors placé au centre de rétention pendant 42 jours puis relâché sans conditions. Il engage avec Me Fréry une demande l’asile, puisque dans son pays l’homosexualité est un délit et que, récemment, de jeunes étudiants ont été condamnés à 3 ans fermes et au bannissement du lieu où ils habitent pendant 5 ans. L’entretien d’asile a été réalisé en visioconférence dans un algeco. L’officier de protection, une jeune femme qui ne le regardera jamais, a dit à M. S qu’ils pourraient très bien vivre tous deux en Tunisie, en se cachant !

Le 14 juin, l’OFPRA lui refuse le statut de réfugié, mettant en doute son homosexualité. Me Fréry fait appel le 2 août et M. S est convoqué le 3 novembre à 14h à la CNDA, en formation collégiale. L’homosexualité en Tunisie constituant un groupe social réprimé, M. S pouvait obtenir le statut de réfugié.

M. S est arrêté lors d’un contrôle le 31 octobre et transféré à la Police de l’air et des frontières. On lui demande d’apporter son passeport, son compagnon le fait à 18h, et il est libéré avec une convocation pour le 1er novembre à 10h. Pensant qu’on va lui rendre son passeport pour aller à la CNDA, il se présente à 10h et il est placé de nouveau au centre de rétention, donc empêché d’aller le lendemain à la CNDA.

La police des frontières appelle la CNDA pour dire qu’il est retenu et demander le renvoi de l’audience. Parallèlement, la préfecture, dans sa requête auprès du juge des libertés, dit qu’il se rendra à la convocation de la CNDA le 3 novembre, ce qui est impossible, puisqu’il est convoqué devant le juge des libertés... ce même jour.

Audience le 3 novembre devant le juge des libertés en présence plusieurs témoins, dont la Cimade, et « les amoureux des bancs publiques ». Me Fréry plaide en droit administratif. Le juge annule le placement en rétention, ce qui exigerait une remise en liberté immédiate. Malgré cela, M. S est emmené par la police au centre de rétention ! Les policiers interrogés par répondent qu’ils attendent de voir si le procureur fait appel.

L’appel du procureur est possible lorsqu’il y a assignation à résidence, mais pas s’il y a illégalité du placement en rétention. Cette mesure étant illégale, M. S devait être remis en liberté. À 19h, notification du procureur au cabinet de Maître Fréry, et au CRA par fax : le jeune homme doit se présenter le lendemain à 10h en audience à la Cour d’appel.

NB : le 3 novembre 2016 est aussi le 1er jour de l’application de la loi du 7 mars 2016 qui prévoit, concernant la légalité d’une décision de placement en rétention, le transfert des compétences des juges administratifs, aux juges judiciaires lesquels devront donc de faire du droit administratif, ce pour quoi ils n’ont pas été formés.

Résultat, le 4 novembre à 15h : la cour d’appel ne reconnaît pas l’illégalité de la rétention, reprochant à M. S d’avoir utilisé un alias, c'est-à-dire la 2ème moitié de son prénom ! A 15h30, il est présenté à un avion à destination de Tunis, il refuse de monter, on ne l’oblige pas. Il est renvoyé au centre de rétention pour 28 jours (c’est la nouvelle loi).

Le jeudi10 novembre, à 5h du matin, les policiers viennent le chercher, ils le descendent en voiture à Marseille. On lui dira qu’à Lyon il y a trop de monde qui le soutient. M. S est présenté au bateau à 10h30. Il refuse d’embarquer et le capitaine refuse de le forcer à monter. Retour à Lyon.

Ce même jour, le préfet prend un 1er arrêté d’assignation à résidence, avec obligation de pointer deux fois par semaine.

Le 11 novembre au matin, M. S se présente à la police des frontières. On le rappelle à 16h, lui disant de se re-présenter à 16H30. Le préfet a pris un 2ème arrêté d’assignation et, pour éviter tout risque de fuite, il devra pointer tous les jours de 8h à 10h et de 16h à 18h, avec interdiction de sortir du département du Rhône.

Me Fréry faxe un recours au Tribunal Administratif qui, dans les 72h renvoie son jugement au 31 mars 2017, dans l’attente de la décision de la CNDA

Le préfet devant attendre la décision de la Cour d’asile, il ne reste plus de risque possible d’éloignement, et l’assignation à résidence devrait également tomber, conformément au droit européen. Il ne devrait plus rien se passer avant 60 jours... Mais qui sait ?

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