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22 décembre 2019 7 22 /12 /décembre /2019 15:17

 

L'histoire de A. est un des très nombreux cas de contestation de l'authenticité des documents d'état civil des demandeurs d'asile. Services de l'Etat, Conseils départementaux, Métropole de Lyon mettent en cause la validité des documents étrangers. La contestation porte surtout sur l'âge des demandeurs, mineurs ou majeurs, celui-ci ouvrant certains droits, ou non. En 2019 Tiberius a également financé la défense de deux jeunes africains de l'ouest, accusés de faux et usage de faux : l'authenticité des documents et de leurs minorités étaient  refusées par un Conseil départemental. Ces deux affaires gagnées sont importantes pour la jurisprudence : elles rappellent l'article 47 du code civil (la contestation d'authenticité de documents étrangers doit répondre à des critères précis) et l'existence de conventions bilatérales, pour A. entre la France et le Cameroun.

Une affaire pour laquelle nombreux ont été les soutiens à l'audience du 20 novembre. Merci.

Défense : Maître M-N. Frery

Première période

Venant de son village camerounais, par voie terrestre, en passant par l'Espagne où son grand frère décède de maladie, A. arrive en France une première fois en 2011. Il est pris en charge par le Conseil Général du Rhône. Vie en foyer, mise à niveau en français, apprentissage en plomberie, foot en club, se passent au mieux. Sa minorité est alors contestée par le Conseil Général qui l’accuse d’avoir présenté un faux acte de naissance attestant de sa minorité, contraignant les services sociaux à le prendre en charge puisque mineur.
En 2013, A. est condamné à une peine de prison de 4 mois, à rembourser 160 798,90 € au Conseil Général du Rhône et à une interdiction de séjour d'un an. Il purge sa peine à la prison de Corbas et est expulsé au Cameroun.

Deuxième période

En 2014, ayant fait établir de nouveaux papiers au Cameroun - acte de naissance, certificat de nationalité, passeport biométrique - il revient en France après un deuxième périple de deux ans. Il sollicite alors sa régularisation. La préfecture du Rhône n'accède pas à sa demande et l’attaque devant le tribunal correctionnel pour usage d’un acte de naissance qu’elle considère être un faux en se référant à sa condamnation précédente. Une authentification de ce nouvel acte de naissance est demandée à l'ambassade de France au Cameroun qui répond que la ville de naissance est trop loin de Yaoundé (300 km) pour effectuer cette vérification.
Maitre MN Fréry est mandatée pour la défense de A.
Elle démontre devant le tribunal qu’A. est bien né le 7 mai 1996 au Cameroun, le certificat de naissance l’atteste. Certificat de nationalité et passeport biométrique produits par A. attestent la même date de naissance. La présidente du tribunal reconnaît leur validité, mais juge que ce n’est pas la question, car l‘extrait d’acte de naissance serait un faux.
A. est condamné pour usage de faux. Soutenue par Tibérius Claudius, Maître M-N. Fréry fait appel.

Troisième période

En novembre dernier, lors de l'audience d’appel, le procureur demande à A. comment il explique qu'il y ait trois actes de naissance, avec des références différentes et des fautes de français importantes. A. répond qu’il ne sait pas, car ce n'est pas lui qui les a établis mais la mairie de son village. (l’une des fautes est dans une formule en anglais, l'autre est une faute d'accent). Le président reprend le procureur en insistant sur la seule faute en anglais.
Sollicité par le président A. ajoute : « J'ai risqué ma vie pour venir, j'ai traversé deux fois le désert. Je crois en la justice française. J'ai vu des morts. Ma vie c'est la France ! »

Le réquisitoire de l’avocat général (notes d'audience)

« On peut souscrire à ce discours sur la souffrance, mais il y a des lois. Il dit qu'il a confiance en la justice française mais c'est faux puisqu'il fait appel d'une décision de justice (sic). Ici, c'est la loi. Il n'y a qu'une question, à savoir est-il rentré en fraude ? Les certificat de nationalité et passeport biométrique sont établis sur la base des actes de naissance. Or, il y en a trois (établis à des dates successives, par divers fonctionnaires, ndr) avec des références différentes et des fautes d'orthographe. Ce monsieur n'est pas capable de voir la différence, cela est normal car c'est lui qui a fabriqué ces pièces et il ne maîtrise pas bien le français ». Et n’étant pas à une contradiction près, l’avocat général poursuit : « Ces actes ont été établis par des personnes qui ne connaissaient pas l’original. (sic) Ce n'est pas parce qu'on n'a pas réussi à les vérifier qu'ils sont vrais ». Il conclut en demandant une interdiction définitive du territoire français.

La plaidoirie de Maître M-N. Fréry

Elle commence en affirmant clairement à la cour : « On vous ment ! »
L'acte de naissance qu’A. est retourné chercher dans sa ville natale et qu'il a fourni à la Préfecture n'est pas celui pour lequel il a déjà été condamné. Cet acte de naissance et le passeport biométrique ont été établis postérieurement à la condamnation. Ces deux documents ne peuvent être qualifiés de faux.
- Pour qu'un document officiel soit contesté, il est nécessaire de produire un acte prouvant que ce document est faux
- article 47 du code civil - ce qui n'a pas été fait.
- De surcroît, suite à la convention bilatérale entre la France et le Cameroun en date de 1974, les actes civils établis au Cameroun n'ont pas à être légalisés pour être valables en France.
Ce passeport ne peut être considéré que comme valide.
»
Maître Fréry demande la relaxe d’ A.

Après délibéré, A. est relaxé le 18 décembre 2019.

 

Tiberius Claudius

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