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23 juin 2021 3 23 /06 /juin /2021 12:20

L’article 232 du Code de la Procédure civile, portant sur l’aide à la décision, prévoit sous conditions, d’utiliser la détermination médico-légale de l’âge lorsqu’il y a un doute sur la minorité d’un jeune.
Seuls les Juge des enfants et Procureur de la République peuvent ordonner cet examen, en aucun cas l’administration ; mais le Conseil Départemental ou la police peuvent demander à ces magistrats de bien vouloir l’ordonner. Sauf motif légitime, le médecin est tenu de déférer à la réquisition et ne peut alléguer un surcroît de charges, faute de quoi il se rend coupable de la contravention prévue par le code de la santé publique. Il semble cependant que certains services de médecine légale refusent ce type d’examens pour des raisons déontologiques.

Les modalités de l’examen

Le jeune concerné doit consentir à cet examen et ce consentement doit être signé, c’est une pièce devant apparaître en procédure. Le refus semble souvent interprété comme : se sachant majeur il ne souhaite pas que l’examen le démontre. Cependant la Cour d’appel de Versailles a mis en garde les magistrats en estimant que le refus de se soumettre à une expertise osseuse ne pouvait être un élément de nature à démontrer la majorité.

Il est aussi tout à fait vraisemblable que peu d’explications soient fournies au préalable au jeune sur la raison et les modalités pratiques de cet examen. Sa méfiance - notamment envers un acte médical inconnu – peut seule inspirer son refus. « Le jeune doit être consentant à l’examen et informé de ses modalités et de ses conséquences en termes de prise en charge, dans une langue dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend. » Dans certains dossiers il apparaît que la pièce du consentement était signée après la réalisation de l’examen, ce qui constitue une pratique illégale. Le non-recueil de ce consentement a aussi été dénoncé depuis de nombreuses années. De plus, la production d’un acte d’identité authentique doit l’emporter sur les suspicions qui pourraient naître de l’apparence physique ou des résultats de l’expertise osseuse. La loi du 14 mars 2016 sur la protection de l’enfance rappelle que l’établissement de la minorité repose sur un faisceau d’indices à partir d’entretiens et de la production de documents d’identité, et que l’expertise osseuse ne doit intervenir qu’en dernier recours s’il y a un doute persistant.

Valeur et utilisation de l’expertise osseuse

Comme pour toute expertise, le juge n’est pas tenu par les résultats ; il peut très bien ne pas en tenir compte. D’autant que la fiabilité des expertises osseuses est depuis longtemps mise en cause, tant sur le plan médical que par rapport aux références ethniques utilisées, et compte tenu de sa marge d’erreur qui est de 1 à 3 ans, ce qui est énorme autour de 18 ans. La Commission nationale consultative des droits de l'homme recommande par exemple qu’il soit mis fin à la pratique actuelle consistant à ordonner des expertises médico-légales de détermination de l’âge reposant sur des examens physiques du jeune étranger isolé. « L’évaluation de l’âge à partir d’un examen osseux, des parties génitales, du système pileux et/ou de la dentition doit être interdite ». « La détermination d’un âge osseux ne permet pas de déterminer l’âge exact du jeune lorsqu’il est proche de la majorité légale. La détermination d’un âge physiologique sur le seul cliché radiologique est à proscrire ». Le Défenseur des droits recommande que « les tests d’âge osseux, compte-tenu de leur fiabilité déficiente eu égard à d’importantes marges d’erreur, ne puissent à eux seuls servir de fondement à la détermination de l’âge du mineur isolé étranger ». Le Commissaire aux Droits de l’Homme de l’Union Européenne ajoute que : « Partout en Europe, et notamment au Royaume-Uni, les associations de pédiatres sont catégoriques sur un point : la maturité de la dentition et du squelette ne permet pas de déterminer l’âge exact d’un enfant, mais uniquement de procéder à son estimation, avec une marge d’erreur de deux à trois ans. L’étude sur les mineurs non accompagnés réalisée par le Réseau européen des migrations souligne que l’interprétation des données peut varier d’un pays à l’autre, voire d’un spécialiste à l’autre ».
Le recours aux rayons X soulève par ailleurs de graves questions d’éthique médicale. En 1996, la Faculté royale de radiologie de Londres a déclaré que « l’examen radiographique pratiqué pour évaluer l’âge d’une personne était « injustifié » et qu’il était inadmissible d’exposer des enfants à des radiations ionisantes sans un intérêt thérapeutique et dans un but purement administratif » De même pour le Comité des droits de l’enfant, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé et l’Académie nationale de médecine dont les avis ont alimenté la jurisprudence des cour de Cassation, cour d’appel de Lyon, de Douai, de Paris, de Metz, Tribunal Administratif de Rennes, de Lyon, juge des tutelles de Limoges, Tribunal de grande Instance de Creteil, etc..


Saisi par QPC, le Conseil Constitutionnel rappelle :

- la nécessité du consentement de l’intéressé après des explications dans une langue qu’il comprend
- le caractère subsidiaire de l’examen, uniquement en l’absence de documents d’identité valables ou si l’âge allégué n’est pas vraisemblable.
- que la majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux.


Le jeune soumis à un tel examen a-t-il une possibilités de recours ?

Il ne peut exercer de recours contre la seule expertise osseuse qui s’opposerait à la reconnaissance de sa minorité. Il ne le peut que si elle a été exercée par un juge des enfants, car il a le droit juridiquement de faire appel d’une décision de ce juge (la totalité de la décision, incluant les résultats négatifs de l’expertise osseuse). Si l’expertise a été demandée par le parquet, il ne semble pas qu’il y ait de recours possible.
Tout ceci sous réserve de points de vue contradictoires…


Pour une information plus complète et des références précises, voir ici le lien vers notre dossier : La détermination médico-légale de l’âge. 


 

Tiberius Claudius

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