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5 décembre 2022 1 05 /12 /décembre /2022 17:22

 

Dans notre lettre 34 datée de mai 2020, nous évoquions le soutien apporté à Mme O.Y. qui se voyait refuser les prestations de la CAF pour son premier enfant né en 2008 au Cameroun et légalement inscrit sur son passeport. La CAF verse pourtant ces mêmes prestations pour le second enfant de Mme O.Y. né en France en 2014. Mais, arguant que l’entrée du premier enfant ne s’est pas faite dans le cadre d’une procédure de regroupement familial, elle refuse de verser pour lui les prestations. Maître Robin introduit alors un recours auprès de la commission amiable ad hoc. Ce recours ayant été rejeté, Mme O.Y. soutenue financièrement par Tibérius Claudius, saisit le Tribunal Judiciaire de Lyon.

 

Regrouper la mère et son enfant

Mme O.Y. est dans une situation reconnue comme régulière. Elle dépose la demande de regroupement familial le 20 septembre 2016. Sa demande est rejetée, ses ressources sont insuffisantes et cet enfant doit retourner résider trente mois dans son pays d’origine avant de pouvoir bénéficier d’un tel regroupement. Mme O.Y. produit des fiches de paie, pour un travail d'aide ménagère à temps partiel elle perçoit un revenu mensuel moyen d'environ 400 €. Au jour de l’audience, elle ne justifie toujours pas de ressources suffisantes et ne peut donc prétendre au regroupement familial.

La législation française prévoit que la situation d'un enfant entré sur le territoire français en dehors de la procédure de regroupement familial peut faire l'objet d'une régularisation sur place après son entrée en France, mais subordonne cette possibilité à la perception de ressources suffisantes (article L.411-5 du CESEDA, Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). 

Cependant, la Cour européenne des droits de l'homme accorde une grande importance à l'existence d'une faculté de régularisation effective pour justifier la différence de traitement initial.

 

L’intérêt de l’enfant

Maître Robin fait valoir dans sa saisine, que le refus de versement des prestations familiales pour ce fils est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant au sens des textes internationaux (Convention Internationale pour les droits de l'enfant, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966, Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne) et au droit au respect de la vie privée et familiale. Mme O.Y. assume seule la charge effective et exclusive de cet enfant régulièrement scolarisé ; une séparation d’avec sa mère pour une durée de 30 mois, est là encore contraire à l'intérêt de l'enfant, d’autant que son père, résidant au Cameroun ne contribue pas à son entretien et son éducation. Le refus de versement des prestations familiales pour son premier enfant est contraire aux principes de non discrimination et d'égalité de traitement au sens des textes internationaux.

 

Discrimination

L'exigence d'une procédure de regroupement familial est de plus, contraire au principe de discrimination entre les ressortissants étrangers et nationaux et crée une inégalité de traitement entre enfants d'une même fratrie selon leur lieu de naissance. Me Robin considère que les ressortissants camerounais vivant en France de manière régulière, doivent être traités de la même manière que les ressortissants français selon les accords binationaux franco-camerounais. Elle ajoute qu'imposer une procédure de regroupement familial, revient à imposer une condition de revenus qui n'est pas prévue par les textes relatifs à l'octroi des prestations familiales et constitue une discrimination à l'égard des familles bénéficiaires des prestations familiales sans condition de ressources. 

 

Jurisprudence

En ce sens, cette affaire peut faire jurisprudence et peut contribuer à rendre plus équitable le droit des étrangers défendu par Tibérius Claudius.

Le 7 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Lyon condamne la CAF du Rhône à réexaminer la situation de Madame O.Y. et à liquider ses droits, c’est à dire, inscrire l’enfant Yewo dans le cours normal des prestations et lui verser ce qui lui est dû depuis janvier 2020.

 

Tiberius Claudius

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